Ces poèmes sont extraits du beau recueil « Comme un château défait » paru chez Poésie-Gallimard. Je lui avais déjà consacré un article il y a quelques années mais, à la faveur d’une relecture, j’ai eu envie d’en reparler ici.
Plusieurs poèmes abordant le thème du temps m’ont particulièrement frappée et je tenais à les réunir en un article spécial.
Lionel Ray (né en 1935) est le nom de plume de Robert Lorho, agrégé de Lettres Modernes et professeur honoraire de chaire supérieure. Il publie ses premiers poèmes en 1956. Il reçoit le Prix Guillaume Apollinaire en 1965. Il prend le pseudonyme de Lionel Ray en 1970, à l’occasion d’une publication de ses poésies présentées par Aragon dans les Lettres Françaises. Il est aussi essayiste et critique d’art. (source : éditeur)
page 87
Est-ce que le temps revient
chaque nuit, musique dans la mémoire,
interrogeant, parcourant des corridors sans fin ?
Comme il joue au bord du gouffre,
mêlant planètes et voyages !
Tu regardes, aveugle, vers l’intérieur,
les pages qu’il déploie, chargées
de morts indéchirables.
page 95
Le temps ne vieillit pas,
il tourne la page du jour,
préserve la nuit dans son poing de pierre.
Le temps est un pays immobile
en deçà de toi-même.
Il éloigne toute fin, la dissipe,
verger aux fruits obscurs
et familiers.
page 110
Que peuvent-ils les mots sur tant d’abîme ?
La mort qui n’est que mort, toute la mort,
cette griffe noire sur les corps pliés.
Les soucis les brûlures les années
et bientôt la pierre impitoyable.
Que peuvent-ils ? la terre elle-même se tait.
Tout repose dans la fausse mémoire
du temps qui les ignore, du temps vain et sans voix.