Plus qu’un dialogue, une symbiose
Inauguration, ce 15 décembre 2021, au Grand Palais Éphémère, à Paris de l’exposition « Anselm Kiefer Pour Paul Celan ».
Très impressionnante exposition, où malgré leurs formats considérables les toiles semblent perdues dans l’infini du désastre, leur thème central, et dans l’ampleur des volumes du lieu d’exposition. Elles se dressent, souvent à la verticale, comme des stèles, couvertes d’une peinture très travaillée, comme labourée et gravées des empreintes des mots des poèmes de Paul Celan. Elles mêlent toutes sortes de techniques qui fusionnent avec l’écriture même de Kiefer, transcrivant les mots des poèmes de Celan, acrylique, huile, gomme-laque, métal, résine et craie. Aucun conflit ici entre les mots et la peinture, ils sont matières et signes liés vitalement. Signes de la catastrophe, signes de la détresse, traces comme seules possibles de ce qui est arrivé. On n’est pas ici en présence d’un dialogue mais plutôt d’une sorte de symbiose entre deux mondes, celui de la poésie et celui de la peinture.
Sous les voûtes du Grand Palais Éphémère se répondent, comme de loin en loin et comme signaux dans l’obscurité dix-neuf toiles de très grand format, des installations et des sculptures. Une guérite sous verre, des étagères qui font songer à celles sur lesquelles étaient entreposées, à Dresde, les pierres calcinées de la Frauenkirche, rescapées du terrible bombardement. Sur ces étagères, des caisses-tiroirs remplies de terre, de cendres, de végétaux secs, avec des inscriptions à la craie, sans doute extraites de poèmes de Celan. Les poèmes de Celan, on l’a dit sont aussi comme gravés dans la toile, dans la matière des immenses tableaux, tandis que l’on s’interroge sur le grand avion en papier mâché (?) avec sur ses ailes des livres brûlés.
« L’œuvre de Paul Celan a sans cesse été présente dans les peintures d’Anselm Kiefer, depuis l’adolescence et la découverte du poème Todesfuge (Fugue de mort), et se poursuit jusqu’à aujourd’hui avec ce nouvel ensemble de peintures. Dans les extraits de son journal rédigés pendant la préparation de l’exposition au Grand Palais Éphémère, Anselm Kiefer écrit :
Celan ne se contente pas de contempler le néant, il l’a expérimenté, vécu, traversé.
(...)
la langue de paul celan vient de si loin, d’un autre monde auquel nous n’avons pas encore été confrontés, elle nous parvient comme celle d’un extraterrestre. nous avons du mal à la comprendre.
nous en saisissons ça et là un fragment. nous nous y accrochons sans jamais pouvoir cerner
l’ensemble. j’ai humblement essayé, pendant soixante ans. désormais, j’écris cette langue sur des
toiles, une entreprise à laquelle on s’adonne comme à un rite.
(...)
Photos et reportage © Florence Trocmé, toutes les photos sont agrandissables par simple clic sur la photo
Anselm Kiefer
Pour Paul Celan
17 décembre 2021 – 11 janvier 2022
Grand Palais Éphémère
Place Joffre
75007 Paris
Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais en partenariat avec la Galerie Thaddaeus Ropac -horaires : tous les jours de 10h à 19h, nocturne jusqu’à 21h les vendredi et samedi (sauf les 24 et 25 décembre : fermeture à 19h)
tarifs: 13 € / 10 € (TR)