La musique de Jean-Claude Charles prend le lecteur dès la première page du roman. Un rythme marqué par une ponctuation particulière, qui vibre encore quarante ans après avoir été écrite. Bien sûr, les panoramiques décrivant Manhattan ne pourraient être les mêmes aujourd’hui : les Twin Towers ont disparu mais l’écriture de Jean-Claude Charles les montre au présent. On sait, depuis Baudelaire, que « la forme d’une ville change plus vite, hélas, que le coeur des humains ». N’empêche, l’auteur nous entraîne. Venu là pour travailler, écrire, négocier un projet, Ferdinand veut s’installer dans son hôtel habituel mais celui-ci est démoli. C’est chez Jenny qu’il s’installe. Jenny, une femme qu’il aime mais qui, dans ces journées, est ailleurs, avec John. Il connaît du monde à New York, et le voici dans un bar. Au moment de partir, ses yeux croisent ceux de Fran et il fera demi-tour pour aller lui parler. Et c’est ainsi que commence cette promenade dans Manhattan, un Noir et une Blanche, juste pour être ensemble un peu, et ça dure quatre jours, des chambres d’hôtel, un Musée d’Art moderne, des poursuites, une fête, l’esprit occupé en permanence par Jenny, des souvenirs d’Haïti, l’écriture qui n’avance pas mais qui avance pourtant, comme une caméra. Ferdinand, c’est aussi le prénom de Pierrot le Fou, dans le film de Jean-Luc Godard : « Je m’appelle pas Pierrot, je m’appelle Ferdinand ». Mais le New-York du Ferdinand de Jean-Claude Charles n'est pas celui d'un autre Ferdinand, Louis-Ferdinand Céline. Si ce dernier n'y voit rien qu'une ville raide « pas baisante du tout », le Ferdinand de Jean-Claude Charles, même s'il déteste Reagan, se souvient de sa « découverte de l'Amérique, par la porte du Rio Grande ». Et c'est surtout quelqu'un qui « aime les poètes qui ne se rendent pas ».