" Ce soir, en tant que chef de l'État, garant de nos institutions, je prends donc acte solennellement du résultat de ces trois scrutins. Ils confirment la volonté exprimée par la majorité des Calédoniens de rester dans la République et dans la Nation française. Les Calédoniennes et les Calédoniens ont choisi de rester Français. Ils l'ont décidé librement. Pour la Nation entière, ce choix est une fierté et une reconnaissance. Ce soir, la France est plus belle car la Nouvelle-Calédonie a décidé d'y rester. " (Emmanuel Macron, le 12 décembre 2021).
Le référendum de ce dimanche 12 décembre 2021 en Nouvelle-Calédonie a confirmé la très nette volonté des Néo-calédoniens à vivre dans le cadre de la République française. En effet, à la question "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?", 96,49% des électeurs ont répondu "non".
Cette très large majorité est cependant à pondérer. Seulement 43,90% des 184 367 électeurs inscrits à ce troisième référendum ont pris part à cette dernière consultation référendaire qui clôt une série de trois depuis 2018. Tout aussi nettement que la majorité en faveur du maintien dans la République française, l'abstention des indépendantistes est massive. Elle fait suite à l'appel au boycott du bureau politique du FLNKS le 20 octobre 2021 alors que la situation sanitaire de l'archipel était en cours d'amélioration.
Les résultats dans les trois provinces sont également éloquents.
Dans la Province Sud (Nouméa), principalement loyaliste, la participation est très élevée par rapport à la moyenne, 60,56% de participation et le résultat est 96,92% pour le "non". Dans les deux autres provinces, la Province Nord et les Îles Loyauté, principalement indépendantistes, la participation est très faible, beaucoup plus faible que la moyenne, avec respectivement 16,76% et 4,54% et les résultats sont également très favorables au "non", respectivement 93,47% et 85,61%, montrant à l'évidence que seuls pratiquement, les loyalistes de ces provinces ont voté.
Sur le plan juridique et institutionnel, il n'y a pas de problème : l'organisation et le déroulement du scrutin ont été sous contrôle international et la liberté et la sincérité du scrutin sont sans équivoque. Le "non" l'a emporté, personne n'a empêché un électeur indépendantiste d'exprimer un avis contraire, et par conséquent, la messe est dite, la Nouvelle-Calédonie reste en France et c'est heureux.
Sur le plan politique et social, c'est moins évident : les indépendantistes peuvent considérer que le scrutin est contestable puisque la participation a baissé de moitié par rapport au précédent référendum, ce qui est vrai. Mais dès que le vote est un droit et pas une obligation (c'est heureux), personne ne peut être tenu pour responsable de l'abstention des indépendantistes sinon eux-mêmes qui ont voulu jouer stupidement avec le feu.
Pour dire clairement, leur appel au boycott, qui a été très suivi si l'on regarde bien les résultats dans les provinces, a été la reconnaissance qu'ils ne pensaient pas pouvoir gagner ce référendum. Pourtant, rien n'était acquis et les chiffres d'abstention montrent que le rapport des forces reste à peu près de 50% 50% même s'il y a toujours une légère avance pour les loyalistes : " Nous ne pouvons ignorer que le corps électoral est resté profondément divisé malgré le passage des années. " (selon l'Élysée).
La gestion de la crise sanitaire est là pour montrer d'ailleurs l'importance de la France dans la politique des tests, dans la campagne de vaccination et dans les soins apportés aux malades du covid-19. Pour l'instant, peut-être grâce à la venue de 2 000 gendarmes dès l'été 2021, le référendum n'a été suivi d'aucune violence (à ma connaissance).
Le Président Emmanuel Macron a pris acte de ce nouveau fait et a annoncé la mise en place d'une nouvelle étape après la fin juridique de l'Accord de Nouméa du 5 mai 1998 : " Une période de transition s'ouvre en effet qui, libérée de l'alternative binaire entre le oui et le non, doit nous conduire à bâtir un projet commun, en reconnaissant, en respectant la dignité de chacun. ".
Emmanuel Macron a rappelé l'importance de la solidarité nationale, plus forte que le lien institutionnel : " Les discussions à venir ne pourront pas se limiter aux institutions. Le lien qui nous unit n'est pas que juridique. C'est un lien charnel, un lien de solidarité, un lien humain. Les derniers mois l'ont montré. Dans l'épreuve de la crise sanitaire, la solidarité nationale s'est révélée plus concrète encore. En Nouvelle-Calédonie, comme partout sur le territoire national, l'action de l'État n'a eu qu'une priorité : sauver des vies, accompagner les plus fragiles. Je veux avoir, en ce jour, une pensée pour toutes celles et tous ceux qui pleurent un proche. Je veux leur dire ma proximité, ma compassion, et aussi l'engagement de la Nation à se tenir à vos côtés. Dans la crise, la Nation a montré son visage d'aujourd'hui, son vrai visage. C'est à ce lien de solidarité, de respect, de fraternité, que nous devons être fidèles, et c'est ce lien que nous retiendrons pour l'avenir. ".
Par ailleurs, le Président de la République a évoqué l'importance de la France dans l'Océan Pacifique : " Nous aurons à construire une place pour la Nouvelle-Calédonie dans cette région de l'Indopacifique en peine recomposition et soumise à de fortes tensions. " et en voulant inscrire la Nouvelle Calédonie entre autres dans " une histoire qui regarde devant, vers les défis de notre siècle, vers les défis de cet Océan Pacifique qui fait partie intégrante de notre espace national ".
Les résultats ont satisfait la plupart des partis politiques en métropole, mais pas tous ( Jean-Luc Mélenchon a refusé de reconnaître le scrutin). L'ancien député UMP Christian Vanneste, proche de l'ultradroite, est scandalisé par la restriction du corps électoral : " Ceux-là même qui réclament le droit de vote pour les étrangers en France métropolitaine ont dissocié la nationalité française de la citoyenneté calédonienne. Cette dernière et le droit de vote qui en découle, au lieu d'être étendus, ont été restreints. Celui qui n'a pas des parents nés sur le territoire et qui n'y vit pas depuis 20 ans, n'a pu participer aux référendums sur l'autodétermination. La gauche a gelé la population d'origine européenne, elle a pratiqué le droit du sang qu'elle fustige ailleurs. ".
Mais il s'est toutefois réjoui du maintien en France et de la fin de ce long processus juridique assez insensé mis en place par les gouvernement de Michel Rocard puis Lionel Jospin : " Pour [les indépendantistes], la série n'est pas achevée. Elle ne le sera qu'avec l'indépendance. Il faut au contraire tourner la page de cette trahison mise en œuvre par les gouvernements socialistes. La Nouvelle-Calédonie doit demeurer française plutôt que de devenir un satellite d'une puissance comme la Chine, de subir une gouvernance revancharde et peut-être corrompue, et de voir une partie de sa population contrainte à l'exil. Il n'est pas étonnant qu'un Mélenchon approuve l'attitude des indépendantistes et refuse toute légitimité à ce scrutin. La gauche n'est plus le parti des ouvriers mais celui des étrangers, y compris ceux qui ne le sont pas encore mais souhaitent le devenir. ".
Ce qu'exprime Christian Vanneste n'est pas si éloigné de ce que pense Emmanuel Macron, mais ce dernier veille à se montrer inattaquable sur la neutralité et l'impartialité de l'État durant le processus de l'Accord de Nouméa qui se termine. Si des concessions étaient données aux indépendantistes, scandaleuses pour la composition du corps électoral, elles ne l'ont été que de façon temporaire (temporaire longue, plus d'une trentaine d'années), et pour éviter la recrudescence de la violence qui a déjà fait beaucoup trop de victimes entre 1984 et 1988.
Finalement, le devenir de la Nouvelle-Calédonie est original, peut-être modèle pour les problèmes d'autodétermination dans le monde. Un nouveau processus commence désormais pour concevoir son statut définitif. Il devrait aller jusqu'en été 2023 avec, à la fin, un nouveau référendum pour ratifier ce nouveau statut. On peut dire que les indépendantistes ont manqué de flair politique. Personne ne reviendra sur ce scrutin sous observation de l'ONU et leur boycott s'apparente plus à de l'hypocrisie de mauvais joueurs qu'à une démarche politique sincère et avisée. Quand on rate un train, on prend dans tous les cas du retard...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (12 décembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La messe est dite : la Nouvelle-Calédonie dit non à l'indépendance.
Nouvelle-Calédonie : jamais deux sans trois !
Bernard Pons.
Nouvelle-Calédonie : le vent du boulet ?
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 4 octobre 2020 sur la Nouvelle-Calédonie.
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Jean-Marie Tjibaou fut-il un martyr de la cause kanake ?
Nouvelle-Calédonie : un timide oui pour la France.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 4 novembre 2018 sur la Nouvelle-Calédonie.
Résultats du référendum du 4 novembre 2018 en Nouvelle-Calédonie.
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Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le 5 décembre 2017 à Nouméa.
L'assaut de la grotte d'Ouvéa selon Michel Rocard.
Jacques Lafleur.
Dick Ukeiwé.
Edgard Pisani.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211212-nouvelle-caledonie.html
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