Ryōkan – Jeune je jetai mon pinceau…

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

jeune je jetai mon pinceau et ma pierre à encre
en secret j’enviais les hommes qui renoncent au monde
avec une gourde et un bol,
je partis en pèlerinage, je ne sais combien
de printemps
puis je suis rentré, au pied des cimes abruptes
j’ai choisi une hutte tranquille et vis
dans le dénuement
j’écoute les oiseaux, ils tiennent lieu de musique
à cordes et de chansons
je regarde les nuages, ce sont mes quatre voisins
au pied d’un rocher coule une source limpide,
je vais y rincer mon linge
sur la crête il y a des pins et des cyprès,
ils me fournissent du bois pour me chauffer
à l’aise, je suis vraiment à l’aise
allègre je chante cette belle matinée
j’ai construit un abri au pied d’un pic émeraude
je me nourris humblement, ainsi pour le restant de ma vie
assis nonchalamment en me tenant les genoux,
au loin, dans les montagnes au crépuscule, le son d’une cloche

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Ryōkan Taigu (1758-1831)Le moine fou est de retour (Moundarren, 1988) – Traduit du japonais par Cheng Wing Fun & Hervé Collet.