Le monde est déchiré, le monde est en lambeaux. L’enfance était « là-bas », dans cet autre pays qu’il a fallu fuir. Le travail de Jeanne Benameur, son travail de poète, c’est de rassembler les lambeaux, comme Isis a rassemblé les membres d’Osiris dispersés, épars. Jeanne Benameur, dans ce recueil de poèmes, nous fait approcher au plus près son histoire, celle qu’elle a inscrite dans ses livres, l’alphabet étant sa maison, son pays, l’alphabet que sa mère lui apprenait. Isis, Antigone, ces deux figures sont comme des soeurs pour elle, découvertes peu à peu, comme Phèdre l’a éveillée à la conscience de l’universalité de la souffrance. Des mots sans doute, mais nous sommes fait.e.s de mots autant que de chair.
J’imagine cet Italien, homme de théâtre, descendant d’un bateau avec sa fille, à Ellis Island dans un autre livre de Jeanne Benameur, émigrants, tenant un texte de théâtre en haut de son bras levé. J’imagine la petite fille de la « demeurée » brodant quelques mots pour les offrir à son institutrice. J’imagine l’assemblée profane réunie par un homme à la fin de sa vie. Je retrouve les souvenirs d’une enfant qui écoute sa propre respiration, qui écoute le silence. Et les pas sur le sable d’une femme partie de son village pour atteindre la mer.
Tout ceci m’est donné par ces pas d’Isis et de Jeanne, deux soeurs, la seconde portant dans ses poches, ses sacs, ses mains, les cailloux polis par la mer et les coquillages rassemblés sur la table de travail.
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble