la semaine dernière
j'ai vécu un épisode de stress
à l'idée de passer ce mercredi
un autre examen pour un concours à la job
c'est comme lorsque tu vas chez le dentiste
tu te crispes rien qu'à l'idée
que ça pourrait faire mal
l'expérience a du bon et du mauvais
ce n'est pas toujours agréable de savoir ce qui t'attend
et comme en février vingt vingt-et-un
j'avais échoué un examen similaire
j'avais un certain vertige
j'ai failli souvent dans ma vie
j'ai repris deux fois le test pratique
pour mon permis de conduire
je l'ai obtenu la troisième fois
j'ai failli à mon test pratique
de conduite en moto
j'ai eu la chienne de recommencer
j'ai manqué mes recettes de panettones
deux fois plutôt qu'une en vingt vingt
et je ne recommencerai plus
vivement la vie sans gluten
je n'ai réussi aucune entrevue
pour obtenir un stage dans un bureau comptable
je n'ai pas obtenu la job
à la caisse de dépôt
ni le poste au conseil d'administration
de l'ordre des comptables professionnels agréés
mais j'essaye
et je ne regrette rien
mardi dernier je venais de déposer
le travail de session de notre équiqe
à l'université et je devais tout de suite
replonger dans mes notes de fiscalité
pour me préparer à l'examen de mercredi
ce n'est pas parce que j'étudie
depuis mon retour à l'école à vingt-huit ans
en mil neuf cent quatre vingt-quinze
que les examens me font moins peur
chaque point compte
le seul soulagement arrive lorsque c'est fini
et c'est à cet unique instant
que je relâche la pression
et que je prends un verre
peu importe le résultat
alea jacta est
mais tant que ce n'est pas fait
j'ai l'opportunité de réussir
et c'est cela qui effraie
de savoir que je peux réussir
mais également d'échouer
je reprends ce matin
le dernier week-end d'étude de vingt vingt-et-un
car il me reste deux autres examens
cette semaine
afin de clore officiellement
ma session d'études
et ma période de concours au travail
je me demande souvent
pourquoi je continue à faire cela
étudier
et m'inscrire à ces concours professionnels
plus aucun autre diplôme n'aura d'impact
sur le restant de ma carrière
je n'aspire ni à travailler plus fort
ni à monter les échelons
dans une carrière professionnelle
ni à devenir médecin
astronaute
avocate
ou écrivaine
cela fait tellement longtemps que j'étudie
que c'est comme un fourre-tout existentiel
c'est mon seul modus operandi
pour garder mon cerveau alerte
pour ne pas sombrer
pour ne pas tomber dans le repos
et la paresse intellectuelle
même si cela fait mal
même si ça use et brûle mes neurones
comme un sport extrême
je me dis tout le temps
qu'il est mieux pour moi de continuer
de peur de reculer
de faire de la démence
peut-être qu'un jour
n'aurais-je plus le réflexe
de m'inscrire à un autre diplôme universitaire
peut-être que mon cerveau sera stimulé et alimenté
à consacrer toute mon attention
à la pression que mes mains poseront sur l'argile
qui se forme sur le tour
ou à me souvenir du nom et des propriétés des fleurs des herbes
et des champignons thérapeutiques ou nourriciers
et peut-être même retrouverais-je
la mémoire
celle que je n'ai plus
depuis un très jeune aĝe
pour les choses de la vie
les visages les noms les numéros
et pour laquelle
l'homme-chat me sert de béquille perpétuelle
et jusqu'à la fin de mes études
j'aurai toujours peur des examens
mais chaque fois ce seront
encore des opportunités
de me mesurer à moi-même.
sur la photo
Mohamed Zarrouk
soixante-dix-sept ans
diplômé au baccalauréat en animation et recherche culturelle
en novembre vingt vingt-et-un
et inscrit à la maîtrise
en communication internationale et interculturelle.