En avril elle se balançait
au-dessus de la rivière sur une corde
attachée à une branche d’orme. Il y avait encore
de la glace le long de la berge et un jour
on retrouva son corps près du barrage
sa tête blessée : elle avait percuté la glace.
Un soir d’été elle me serra contre son maillot
de bain noir mouillé quand je lui apportai un milkshake.
L’incendie m’enflamma les veines et tout le corps.
Quand nous attrapions des grenouilles pour manger
leurs cuisses elle disait, « Nous sommes des animaux ».
Et sur la colline proche de la rivière, nous cueillions
des trilliums. Tous les garçons voulaient l’épouser.
Longtemps nous déposâmes sur sa tombe
les fleurs sauvages qu’elle aimait. Plus de soixante ans
après je vois clairement que personne ne se remet jamais
de rien, surtout pas de Molly au bord de la rivière,
oscillant à travers les airs —
un oiseau.
*
Molly the Brave
Molly was the bravest
In April she would swing out
over the river on a rope
tied to an elm branch. There was still
ice along the bank and one day
her body was found down by the weir
with a bruised head, which meant she hit ice.
One summer evening she hugged me in her wet
black bathing suit after I brought her a milk shake.
My blood became hot and moved in all directions.
When we caught frogs to eat their legs
she said, ”We are animals.” And on the hill
by the river we illegally picked trillium.
All the boys wanted to marry her.
We kept putting the wildflowers she loved
on her grave. More than sixty years
later I see clearly that no one gets over anything
least of all Molly by the river,
swinging up through the air—
a bird.
***
Jim Harrison (1937-2016) – Dead Man’s Float (Copper Canyon Press, 2016) – La position du mort flottant (Héros Limite, 2021) – Traduit de l’américain par Brice Matthieussent.