Dimanche 3 août.
Après une semaine en Corse, l’Arctic Sunrise a rejoint vendredi 1er août le port sarde d’Olbia pour embarquer l’équipe de six scientifiques et observateurs italiens ainsi que le responsable de la campagne océan de Greenpeace Italie, Alessandro
Gianni. L’objectif de cette mission scientifique est d’évaluer les populations de cétacés dans le sanctuaire Pélagos, d’y mesurer l’ampleur du trafic maritime, d’y réaliser des prélèvements d’eau pour quantifier la pollution bactériologique et la présence d’hydrocarbures et aussi d’y effectuer des observations sous-marines à l’aide d’une caméra sous-marine appelée « drop cam ».
Cette mission d’une durée de 10 jours, s’achèvera le 12 août à Gênes en Italie.
Les premières observations ont commencé hier. Trois observateurs se relaient toute la journée sur la passerelle de l’Arctic Sunrise pour une observation visuelle. Par ailleurs, une fois par jour nous mettons à l’eau un zodiac pour effectuer à une certaine distance du navire des prélèvements d’eau qui sont conservés à une température de 5°C dans les frigos du bateau. En outre, toute les 4 heures nous faisons un inventaire du trafic maritime à l’aide du système AIS qui permet de visualiser tous les navires dans un rayon d’environ 100 miles nautiques.
Les premières observations ont permis de repérer quelques dauphins, un petit banc de bonites (petits thons), mais surtout un grand nombre de déchets plastiques flottants. Nous savions évidemment que cette pollution touchait l’ensemble des mers, mais depuis quelques jours, nous le constatons de nos propres yeux et c’est encore plus effrayant.
L’Arctic Sunrise navigue pendant la journée à une vitesse constante de 8 nœuds et dérive pendant la nuit. Le parcours suivi par le navire pour la mission scientifique a été défini par un programme informatique subtil et semble dessiner sur une carte une sorte de zigzag ésotérique !
Aujourd’hui, dimanche, la plupart des membres de l’équipage sont de repos, exception faite de l’officier et du matelot de quart à la passerelle. Les scientifiques et l’équipe de la campagne sont quant à eux au travail. L’ambiance est donc plutôt calme à bord, le temps magnifique, une petite houle de trois quarts arrière nous berce tranquillement. Pour l’instant, le bateau, malgré sa réputation de « machine à laver » du fait de sa coque sans quille, ne nous a pas encore rendu malades…
Greenpeace avait déjà effectué une mission identique en 1992 à bord du Syrius, un des navires de Greenpeace qui a aujourd’hui pris sa retraite. (Il est à quai à Amsterdam et accueille notamment les écoles pour faire connaître les campagnes de l’organisation). Depuis lors, seules des observations partielles ont été effectuées et ce, essentiellement à bord de petits voiliers. L’enjeu, aujourd’hui, est d’évaluer les effets des activités humaines sur les huit espèces de cétacés répandus dans la région qui sont, comme dans l’ensemble des mers, de plus en plus menacés. Les métaux lourds et les produits chlorés présents dans l’eau du fait de la pollution ont en effet de très graves conséquences sur les populations de cétacés. Cette contamination est si importante que lorsqu’on découvre des cadavres échoués sur les côtes, ils sont traités comme des déchets toxiques. Par ailleurs, la pollution entraîne une diminution des défenses immunitaires des cétacés qui peut conduire à leur mort. Enfin, la hausse du trafic maritime (passager et commercial) et des vitesses de navigation augmentent le risque de collision des navires avec les baleines. Et l’intensification de la navigation a également pour conséquence une pollution sonore qui affecte dauphins, rorquals communs et cachalots présents dans cette région du bassin méditerranéen.
Il est donc indispensable qu’une vraie protection soit mise en place dans cette région qui pourrait être un exemple de coopération internationale entre les pays riverains.
Rappelons que seule une infime partie des mers du globe est réellement protégée. La création d’un réseau de 40% de réserves marines est donc indispensable pour enrayer la perte de biodiversité marine et la pression sur les espèces.
François Chartier, à bord de l’Arctic Sunrise, quelque part au large de la côte ouest de la Corse.