" En suivant vers l'est le jour de l'anniversaire du Bouddha,
le 9 avril 1978, je passe devant mon lieu de naissance
à Grayling, Michigan, fais 500 km plein sud jusqu'à
Toledo, puis repars sans raison vers l'est à New York -
la cloche de mon cœur sonne le glas depuis des mois
en attendant que je veuille reprendre ma vie en main ;
trois corneilles de chez moi ont suivi ma voiture
jusqu'à la rivière Delaware où
elles ont fait demi-tour : l'une s'est dressée, toute noire
et majestueuse sur un faisan récemment tué
par une voiture : tout ce temps
compter en silence, compter les corneilles,
les ingrédients du jour
inchangés, hormis de rares coups
de chance
de malchance
de hasard aveugle
tout cela gravé dans le marbre par l'habitude,
figé tandis que le jour s'écroule seconde après seconde :
sur la voie un train ne peut pas
prendre un virage à angle droit, telle n'est pas
la nature des trains,
mais nous croyons qu'un homme peut plonger
dans un étang, le traverser à la nage et grimper
dans un arbre, même si peu d'entre nous le font.
Jim Harrison : " Suiveurs", poème faisant partie du recueil " Une heure de jour en moins", Flammarion, 2012. Du même auteur, dans Le Lecturamak :