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Surveillance – La fille de David Lynch met un uppercut

Par Bebealien

Jennifer Chambres Lynch, comme son nom l’indique, est bien la fille de son père. Alors quand après un premier film moyen (Boxing Helena) elle revient derrière la caméra quinze ans plus tard, on est en droit de se demander ce que va être le résultat… Surveillance est justement le fruit de ces quinze ans de gestation, et le résultat est un beau coup de poing dans la figure des spectateurs…

Surveillance – Ambiance glauque pour meurtres sordides

Deux agents du FBI arrivent dans un trou paumé afin d’élucider une vague de meurtres sordides, dont un massacre particulièrement sanglant. Ils vont interroger trois rescapés : une junkie, un policier véreux et une petite fille qui en sait beaucoup trop. Charge à eux, en croisant les différents témoignages, de démêler le vrai du faux et surtout de comprendre ce qui a bien pu se passer.

Deux enquêteurs du FBI, une route dans un coin désert. L’ambiance est posée dès l’affiche…

A la lecture du pitch, on pourrait croire à un nouveau Rashomon, grand film de Kurosawa racontant la même histoire avec des points de vue différents. Mais le script de Surveillance est bien plus malin que ca, et va largement au-delà. Mais dur d’en dire plus sans déflorer l’intrigue. Le titre Surveillance vient d’ailleurs du dispositif que l’agent joué par un Bill Pullman grandiose met en place pour suivre les trois interrogatoires en parallèle. L’histoire prend peu à peu forme, mais à qui se fier, et comment reconstruire le tout quand chacun à des secrets à cacher ?

Un duo du FBI avec l’inquiétant Bill Pullman (enfin un rôle à sa mesure) et Julia Ormond en femme fragile…

Jennifer Lynch réussit son coup avec maestria en arrivant à faire passer dans la même scène du rire à la peur, en se basant sur des personnages foncièrement humains. Les plus représentatifs doivent être un duo de flics pourris s’amusant à terroriser les conducteurs afin de passer le temps. Ils poussent le bouchon tellement loin qu’on passe du rire (lorsqu’on les voit élaborer leur scénario d’approche) à un véritable sentiment de malaise quand ils commencent à y prendre un peu trop goût.

De même, les enquêteurs ont des personnalités troubles, des motivations pas toujours très claires. Et c’est via ca décalage entre les stéréotypes habituels de héros ou de suspects que Jennifer Lynch pose son ambiance. Avec un casting trois étoiles (Bill Pullman donc, ainsi que Julia Ormond côté enquêteurs), le toujours aussi bon Michael Ironside côté flic, et la révélation du film : Ryan Simpkins dans le rôle de la gosse.

Un flic bientôt surpris par l’agresseur masqué derrière lui…

Rares sont les réalisateurs qui arrivent vraiment à faire froid dans le dos en montrant les bas fonds de l’Amérique. D’ailleurs, trop souvent, ceux qui s’y tentent mettent tout dans les décors crapoteux et les visages tordus, en oubliant d’instaurer une vraie atmosphère. Ici, Lynch fait l’inverse. Ses décors sont minimalistes : une route perdue, trois pièces d’un commissariat, ses acteurs relativement passe-partout. Ce qui fait la différence, c’est à la fois leur caractère et leurs failles. Dur de ne pas se reconnaître un peu dans chacun d’entre eux. Du coup la révélation finale qui donne la clé de l’énigme paraît d’autant plus forte.

Ryan Simpkins, la révélation du film. Une enfant acteur de génie…

Et pour une fois, le résultat ne semble pas tarabiscoté, car en se repassant mentalement le film, on s’aperçoit à quel point chaque pièce du puzzle s’imbrique parfaitement avec les autres. C’est plutôt rare, car on a d’habitude toujours l’impression que certaines scènes sont insérées au forceps. Là non, tout coule de source, et c’est relativement intense et terrifiant.

Il est clair que Jennifer Lynch n’a pas redéfini le thriller policier via Surveillance. Mais son rythme très particulier, sa construction complexe, ses personnages travaillés, son ambiance malsaine et son final malin et bien amené en font indéniablement une vraie réussite. Par contre, dommage que j’aie été obligé d’aller dans un ciné indépendant pour aller le voir. Le film aurait mérité plus d’écrans. Mais dur dur de sortir la même semaine que Wall-E…


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