1.
8 juin 2021.- Temps vaguement orageux (26°C). Je n'ai pas vu venir le printemps et voilà déjà l'été. La sève ne dort plus, une sorte de gaîté luit sur les feuilles des arbres, mais il fait déjà presque trop chaud et j'envisage dès à présent de confuses soifs, une horrible sécheresse. En attendant que les futurs tiédeurs confirment mes intuitions météorologiques, j'ouvre pour la première fois les Agendas de Jean Follain. À défaut d'entamer une lecture qui durera plus de huit cents pages, je hume le papier, c'est déjà ça.
9 juin 2021.- On annonçait de la pluie, elle n'est pas tombée (26°C). Entamé les Agendas de Follain. Le ton est un peu télégraphiste. Je n'ai rien contre.
10 juin 2021.- Premières tiédeurs (28°C). Le 10 mars 1930, Follain passe une soirée avec Michel Simon, qui ne lui montre pas son fameux album photo, mais avec qui il mange une soupe à l'oignon au clair de lune. Le 4 juin de la même année dîner chez André Salmon. Une omelette au menu et Jean Paulhan parmi les convives. Pour résumer : grandes personnalités, plats simples.
11 juin 2021.- Vague tiédeur (30°C). 1931, encore Follain. Le 23 février il fait les magasins : douceur des vendeuses, charme et yeux absents... le 22 mars 1931, il croise Max Jacob et Charles Albert Cingria. Le plus suisse des deux lui paie un verre avec l'argent de l’autre. Cingria feint des politesses, ses habits sont déchirés, mais il est diablement sympathique. Le 30 avril il voit pour la première fois Jules Romain le 30 octobre il boit un Cherry chez Valery Larbaud...
12 juin 2021.- Chaleur trop humide pour être honnête (30°C). En dehors de quelques pages de Follain, qui connaît du monde, journée bien inutile.
13 juin 2021.- Beau temps (29°C). Un peu des Agendas de l'ami Follain suivi par un long barbecue dominical. Côte de bœuf, Mercurey premier cru. Rien à redire. Sieste ensuite.
14 juin 2021.- Quelque chose de saharien, mais sans les dunes, sans les oasis (31°). Lever 4h, labeur, sieste, sport télévisé, arrosé mes fleurs, rien lu, je baisse.
15 juin 2021.- Beau temps chaud (30°C). Dans ses Cahiers l’ami Cioran trouve chez Valéry (Paul) un fétichisme de l'intelligence, de SON intelligence, proprement exaspérant : « Le brillant ne vaut rien et surtout ne supplie pas l’émotion ». Dans les Analectadu même Valéry (Paul) on peut lire ceci : « Toute émotion tend à voiler le mécanisme toujours niais et naïf de sa genèse et de son développement. Mais plus l’esprit est complexe, moins il accepte que son homme soit ému ; il en résulte des luttes intestines intéressantes ». Par ailleurs entamé Les bêtes de Federigo Tozzi, chez Corti.
16 juin 2021.- Amorce caniculaire (35°C). Labeur, sieste, arrosage. Rien d'autre... Ah si ! j'ai ressorti mon pantacourt... et mes espadrilles.
17 juin 2021.- Chaleur sérieuse, tendance orageuse (35°C). Le 28 avril 1966, j’ai dix-huit jours, rue Médicis Emil Cioran regarde passer Jean Paul Sartre tenu par le bras d’une jeune fille blonde à la très grosse tête. Sartre a l’air guindé, il est habillé et chaussé à l’italienne, avec des souliers pointus et de hauts talons. À le voir ainsi, tiré à quatre épingles, pimpant et guilleret, Cioran ressent un vif malaise. À cause de la laideur de Sartre ? Pas précisément, car, de toute évidence, il (Sartre) a beaucoup de charme. : «Je ne puis m’expliquer à vrai dire ce malaise, mais je me figure qu’il ressemble à celui que devaient ressentir devant Voltaire ses contemporains quelque peu éblouis et certainement excédés par la monstrueuse notoriété du bonhomme ».
19 juin 2021.- Ciel jaunâtre, chaleur inconvenante (33°C). Agendas. L’occupation de Follain passe comme une lettre à la poste. Il rencontre un peu tout le monde, les collaborateurs et ceux qui ne le sont pas. Drieu, Guillevic, Paulhan, Audiberti, Valéry, Henri Thomas. Visite un Fargue déjà malade, étendu en pyjama bleu dans un lit aux draps couleur rose tendre. Il y a les petits soldats de plombs de la garde péruvienne collectionnés par Valery Larbaud, les dîners chez Mollard avec Raoul Dujardin, les soirées aux Folies-Belleville avec son illusionniste levantin et sa jeune Antillaise aux belles cuisses. Pour un peu on en oublierai presque l’Allemand.
20 juin 2021.- Orages (27°C). Exécution un peu terrible de Pierre Laval, Malaparte habillé de gris, cheveux noirs et gominés, Jouhandeau portant tricot et pantalon sombre, onanisme véridique de Raymond Guérin, imbuvable Picasso, poèmes d'Armen Lubin, 14 juillet avec Marcel Béalu, visite à André Gide. J'avance tranquillement dans la petite affaire de Follain.
21 juin 2021.- Orages (25°C). Personne ne s’est déplacé pour les élections… Bien plus grave la grêle tombe sur mes géraniums. Je suis toujours avec le matois Follain, mais à l’alternat j’ai aussi entamé La Frontière, troisième et dernier volume de la saga narco-mexicaine de Don Winslow. Si Follain est le parfait télégraphiste de la vie littéraire parisienne du demi-siècle dernier Winslow se voudrait l’ Hérodote de la « guerre contre la drogue », des cartels et du mauvais goût généralisé chez les narcos trafiquants mexicains. Il y a un peu de ça.
22 juin 2021.- Le nuageux domine (25°C). Seconde injection, me voilà vraiment vacciné. En parlant d’injection, Winslow, La Frontière. Équation un peu simple : une réalité = des personnages. Crise des opiacés = personnages, cartels mexicains = personnages, DEA = personnages, militants associatifs = personnages, toxicomanes = personnages, journalistes = personnages, ad lib. Résultat : dans le magnum opus winslowien il n’y a pas loin de huit cents personnages, c’est beaucoup on se croirait chez Tolstoï en pire. Sachant que ces personnages sont la base d’une foultitude de micros romans qui se recoupent quand ils ne s’enchevêtrent pas, cela fait aussi beaucoup de fiction à ingurgiter (en fait une replète boule narrative bourrative). Follain, Agendas, beaucoup de monde aussi, l’index est carabiné et long comme mon tibia gauche, mais beaucoup moins de roman-roman. En 1953, Follain visite l’Espagne et le Portugal. À Lisbonne il ne croise aucun Pessoa, mais à une devanture il voit la photographie d’un toréador mort. Tout cela n’est à priori pas follement passionnant. Pourtant, ça l’est.
P.-S Les lignes qui précède sont indubitablement faiblardes et embrouillées. Pardonnez-moi.23 juin 2021.- Temps lourd et orageux (26°C). Winslow : empilement de cadavres. Follain : empilement de dîners en ville. Ayant quelques jours de congé devant moi, je fais mes valises pour une direction tout à fait champêtre.
1er juillet 2021.- Ciel nuageux avec de courtes éclaircies (25°C). Retour de Saône-et-Loire, Sud-Bourgogne, l’une des contrées de mon enfance que je n’avais pas arpentée depuis plus de trente-cinq ans. Certaines choses y sont immuables, d’autres moins. Les vaches charolaises, les vignes et vieilles pierres sont toujours là, mais le décor à un peu changé. Ronds-points, lotissements, supermarchés, centres-villes désertés et camions pullulants sur les routes départementales. Voilà bien la fameuse « France périphérique » dont on nous rebat les oreilles (Plus dans les plaines de la Bresse Louhanaise que dans les collines du Haut-Mâconnais qui me semble assez préservé) . À Cuisery, village du livre, plus de boucheries, mais pas moins de dix bouquinistes. Acquis quatre nouveaux volumes (Baudrillard, Bachelard, Valéry, O. V. de L. Milosz). Sinon, et pour le reste, toujours plongé dans la Frontière de Winslow. Sort terrifiant des migrants. Pages pour ainsi dire haletantes.
2 juillet 2021.- Quasi beau temps, mais le ciel se couvre (26°C). Léthargique et sans envie. Cent pages de Winslow, dix pages de Follain.
4 juillet 2021.- De la pluie, une éclaircie (24°C). Je suis venu à bout des trois mille pages de la saga narcomexicaine de Don Winslow. Lire autant de lignes, de mots est presque un tour de force. Dans le dernier tome (la Frontière) qui est moins bon que le premier (La Griffe du Chien), mais meilleur que le deuxième (Cartel) il y a des pages qui ne sont pas loin de ce que pourrait être du John Grisham en mieux. C'est certainement un compliment. Je n'ai rien à dire de plus, je suis fatigué.
2.
5 juillet 2021.- Légers passages nuageux n’altérant pas le beau temps (28°C). Mon auguste personne et ses deux oreilles ayant subi une interminable conversation téléphonique provenant d’un voisinage situé à moins d’un mètre cinquante, cet après-midi les conditions lectorales furent diablement altérées. C’est bien dommage, ma chaise de lecture, bien à l’ombre, n’attendait plus que mon séant. En conséquence ai-je dû me replier vers mon petit intérieur, qui n’est certes pas si insonorisé que ça, mais où les voix impudentes se font tout de même plus lointaines. Poursuivi la lecture des Agendas de Follain. Le 24 juillet 1958, il est à Capri où il déjeune d’un homard, à la plage abrupte, Chez Luigi. Sur le livre d’or de l’établissement, Churchill a écrit ceci : « La servante merveilleuse dans son déhanchement » . En dehors de Follain, et à l’alternat, je badine dans les Cahiers de Cioran. Observation : les Cahiers de Cioran sont un peu l’inverse des Agendas de Follain. L’un s’épanche, l’autre jamais. Ah oui aussi ! Lu une lettre de Larbaud à G.Jean-Aubry. Larbaud doit veiller sa mère malade. On ne veille jamais assez trop nos vieilles mères malades.
6 juillet 2021.- Orages (23°C). Labeur, épuisé, cogito en berne, rien lu.
7 juillet.- Temps plutôt nuageux (25°C). Lever 5H00, labeur, sieste, Tour de France, deux fois le Ventoux, fais mon lit et la vaisselle, regardé le plafond, lu trois poèmes d'Henri Thomas.
8 juillet 2021.- Temps nuageux (21°C). Le labeur derrière moi je taille géraniums et rosiers puis j’ouvre les Variétés de Valéry (Paul) et tombe sur ces deux lignes : « Certains n’ont pas de médium. Ils n’ont que le grave ou l’aigu. Ce ne sont jamais des gens simples ».
9 juillet 2021.- Vagues éclaircies (26°C). Bref retour dans le Journal Inutile de Paul Morand. Toujours déplaisante cette somme diaristique acrimonieuse ne se laisse pas lire sans quelques envies de gifles.
11 juillet 2021.- Temps plutôt ensoleillé (27°C). Hier soir vie sociale, un peu bu, croisé un chat borgne. En parlant de chat dans ses agendas Follain nous apprend que le vieux Léautaud aurait étranglé deux de ses chats et même sa guenon. Voilà une nouvelle un peu triste.
12 juillet 2021.- Orages (23°C). Joë Bousquet, Traduit du silence, début parfait : « Après un certain nombre d’années j’ai fini par comprendre que la nature des choses me faisait une loi d’aspirer à la mort. Et non pas parce que je suis moi, mais parce que je suis un homme. Chacune de mes sensations, maintenant, est pleine d’un mécontentement qui va se précisant et que je vais m’efforcer de définir dans les pages qui vont suivre : cette gorgée d’horreur que je respire à chaque instant finit par donner à tous les actes de ma vie un arrière-goût que je me sens un peu plus qu’autrefois apte à caractériser. À travers la perception d’un objet, quel qu’il soit, je sens comme une espèce de préjudice causé à ma pensée. Le monde où je vis est accablé par le poids de la lumière, de cette lumière dans laquelle je ne peux pas pénétrer sans que toutes les pensées qui sont en moi deviennent transparentes et se fassent inexistantes comme des spectres. Ce monde est grotesque, et il faut bien qu’il porte son absurdité sur la face puisque, sans en connaître d’autres, je peux le juger imparfait ».
13 juillet 2021.- Orages, ce soir les pétards auront un goût de mouillé (21°C). Une chronique de Bernard Frank. Quelques conseils de jardinage, il ne faut pas oublier de tailler les forsythias en mai, être patient avec les plantes vivaces qui ne fleurissent qu'à l'âge de trois ans et surtout il faut se méfiez des terribles saints de glace !
14 juillet 2021.- Morne crachin automnal (16°C). Dans ses AgendasFollain rencontre Patrick Reumaux qui lui parle d’André Dhôtel, son professeur. C’est toute une histoire. Dhôtel arrivait toujours vingt minutes en retard, puis il prenait beaucoup de temps pour enlever son pardessus et farfouiller dans sa serviette. Le cours venait juste de commencer et la cloche sonnait déjà. Il disait aux élèves : « Interrogez-moi », mais ne répondait jamais aux questions qu’on lui posait. Parfois, il convoquait un petit de sixième pour faire quelques expériences de psychologie avec lui. Il lui demandait ce qu’il pensait et généralement le gosse ne savait pas quoi répondre. « Un jour, une fille avait posé une cocotte en papier, il lui dit : "J’en voudrais une plus grande." Elle s’exécute. Il lui demande à chaque fois une plus grande et elle dut arriver à en faire une gigantesque. Il ne suivait guère le programme... » Quelques Maximes et Pensées de Milosz (chez André Silvaire). Cette merveille : « Lorsque j’étais enfant, je tuais par amour les faibles fleurs des champs aux couleurs suppliantes, je rabattais leurs pétales comme on ferme les yeux des petites filles mortes, et je pleurais de joie et de deuil, et j’avais doucement mal à l’âme ».
15 juillet 2021.- Bruine immonde (18°C). Trop de labeur, je n'y suis pas. Lire Mon cousin Stendhal. Notice sur la vie et les ouvrages de Henri Beyle de Romain Colomb (repéré chez Bernard Frank).
17 juillet 2021.- Humidité torve, nous voilà flaques (21°C). Agendas again.Follain déjeune et dîne avec un peu tout le monde, André Dhôtel, Marcel Arland, Henry de Montherlant, Claude Mauriac, Catherine Paysan, Marcel Jouhandeau, Armen Lubin André Breton, André Pieyre de Mandiargues, Marcel Aymé, Jean Noubli… Cette litanie de noms et de bonnes tables pourrait paraître de prime abord lassante, m'as-tu-vu, showoff, know-it-all, presque parfois un poil germanopratine et étonnement ce n’est pas vraiment le cas. Follain ne fait monter en neige personne, pas plus lui que ses convives. Il y a même des dîners avec des curés lettrés, des déjeuners tout seul (le 23 juillet 1963, il déjeune d’un œuf à la coque) et puis il y a parfois des choses très drôles dans ces rencontres plus ou moins littéraires autour de la boustifaille, celle-ci par exemple : « Dîner chez Papille : Paulhan, les Thomas, Léon Philips, M.Roger Horwitz (l'Américain qui fut serveur chez Papille). Le Lionnais raconte le fait qu'aux fêtes de Venise au XVI° siècle, pour éviter au peuple et aux seigneurs d'être incommodés par les moustiques, des paysans aux fenêtres des palais montraient - moyennant bonne rétribution - leurs culs fournis, les offrant à la morsure des moustiques qui, attirés par ces croupes exposées, délaissaient volontiers les beaux messieurs-dames de la fête. ».Par ailleurs, je suis toujours dans les Maximes et Pensée de Milosz qui sautillent certes beaucoup moins dans le croquignolet, mais il y a des moments : « Passé l’âge de trente ans, la plupart des humains ne sont guère autre chose que des survivants par esprit de vengeance. Nous nous vengeons du mal que l’on nous fait ; nous nous vengeons aussi du bien que nous faisons ; et voilà pourquoi notre vie ressemble si fort à un tas de gadoue arrosé de sang. »
18 juillet 2021.- Du vent et voilà le beau temps ! (28°C). Les vagues échos d’une conversation téléphonique limitrophe m’apprennent que l’une de mes voisines ne sait plus ce qu’elle a fait hier soir et que ce matin elle a beaucoup vomi. Voilà des informations passionnantes et j’imagine qu’elles vous intéresseront autant qu’elles ont pu m’intéresser. Sinon ce mot de Barrès dans les Agendas de Follain : « Un conteur arabe dans la loge de la concierge » . Il est question de Proust.
3.
19 juillet 2021.- Temps plutôt ensoleillé, vague tiédeur (30°C). Acquis quatre volumes à fort potentiel sautillant, deux de James Thurber (La vie secrète de Walter Mitty, Ma vie de chien), deux de Robert Benchley (L'économie pour quoi faire ? Les enfants pour quoi faire ?). Quant au reste, la vie, je périclite.
20 juillet 2021.- Temps estival (30°C). Brouhaha du voisinage qui ne peut s’empêcher de bricoler. Faudrait-il interdire le bricolage, tout du moins ses variantes bruyantes ? C’est une éventualité fort tangible... Par ailleurs, s’agissant des mouflettes et mouflets je ne confierais pas mes arrières petits neveux au sémillant Robert Benchley, lisez ces lignes, du W. C. Fields en pire : « Comment doit-on tenir un enfant pendant qu’on l’habille ou qu’on le déshabille ? N’importe quel charpentier sera disposé à vous vendre un étau que vous pourrez fixer au bord de la table. Placez l’enfant dans l’étau et tournez la vis jusqu’à ce que la pression fasse apparaître une légère rougeur. Prenez garde à ne pas trop la serrer, sinon l’enfant risque de ne pas apprécier ; mais, d’un autre côté, il faut bien s’assurer de ne pas lui laisser trop de jeu, sinon l’enfant tombera sans cesse par terre, et dans ces conditions vous n’arriverez jamais à l'habiller »
22 juillet 2021.- Soleil (30°C). Lever (5h00) Petit-déjeuner, labeur, déjeuner, sieste, vaisselle, dîner, coucher (21h30). En somme, voilà une journée passionnante.
23 Juillet.- Vague tiédeur (33°C). Trois pages de ce bon bon vieux Benchley. Mort forcement injuste de Jean-Yves Lafesse, roi du canular téléphonique loufoque et non ricanant (il faut toujours être du côté du non ricanement).
24 juillet 2021.- Orages (24°C). Maussade et léthargique. L'une de ces journées où le morne agrégat du quotidien pèse de tout son poids. Cependant, quelques pages de Robert Benchley m'auront apporté quelques courts hoquets capricants. Je ne sais si cela est suffisant, je suis même convaincu que non.
26 juillet 2021.- Ciel bleu blanc (28°C). Assommé par le labeur. Incapable de lire la moindre ligne. Milosz me tombe des mains. Follain me tombe des mains. Même Benchley me tombe des mains.
27 juillet 2021.- Le temps est nuageux, l’humeur aussi (28°C). Chez Milosz la théologie est un peu tordue. La lumière incorporelle se transmute en lumière physique qui se transmute en sang. Quant au trop fameux Adam, il représente l’être qui est sa propre loi transmuée en amour par la séparation du positif et du négatif, par le dédoublement de l’homme primitif en un époux qui trouvera une épouse (certainement la fameuse Eve). Voilà une opération qui est la correspondance de la « transmutation initiale d’une prééminence de l’intérieur en une prééminence de l’extérieur », et c’est surtout ce qui a permis à Adam de sortir de son moi encombrant. Avouons que l’on se perd un petit peu dans tout ça. La lecture du quotidien l’Équipe est plus simple.
28 juillet 2021.- La pluie arrive (27°C). These few lines in old Morand's useless diary : « Le langage des grammairiens, même dans mon enfance, m'a toujours paru incompréhensible. Que dire de leur jargon actuel ! Il faudrait que je me décide à les entendre, à apprendre enfin la grammaire. J'hésite, certain de me réveiller ne sachant plus écrire. Je sens le français, je ne le sais pas. »Nothing else. Mort de Jean-François Stévenin, zinzin, pas vraiment « professionnel de la profession », de quoi vraiment l’aimer.
29 juillet 2021.- Vague beau temps (28°C). Je travail et je dors, un plant de tomates vie plus de choses.
31 juillet 2021.- Nuages (24°C). Hier soir vie sociale, bu un peu trop de champagne. Toujours vaporeux ce matin. Vu les judokas Français battre les Japonais sur leurs terres. Quasiment rien lu, quatre pages de Follain, guère plus.
1er août 2021.- Ciel gris, vent léger (23°C). Le lundi 10 mai 1965, Jean Follain dîne au restaurant du Sénat d'un ris de veau immonde et de quenelles qui semblent de pure farine. Le 2 juillet il est à Bled en Solvénie où il assiste au Congrès international du Pen Club. On discute de la « langue parlée » chez Céline, on cite Robbe-Grillet. Le 13 juillet ce sont les obsèques d'Audiberti à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Le 31 décembre il achète deux mille-feuilles à un franc quarante chez Ladurée, rue Royale. La pâte de ces mille feuilles est excellente, mais la crème n'est pas assez répartie entre les feuilles « au plus trois, ce qui est loin de mille ».
2 août 2021.- Vague soleil (25°C). Une chronique de Bernard Frank qui conseille l'échalote plutôt que l'ail. Et sur le gâteau au chocolat ? Un bon maury. À condition de le boire jeune, sur le fruit. Voilà un vin qui dans sa jeunesse, est noir, bleuté, très sombre. Frank en rêve avant de s'endormir.
3 août 2021.- Temps automnal (19°C). Labeur hyper matinal, sieste prolongée, JO télévisé, petit tour chez Valéry (Paul). Nothing else : « Quand nous faisons une belle chose, ou que nous jugeons telle, ce n’est pas nous, qui, sous cette apparence de la faire, la faisons, – puisqu’elle nous étonne. Et il faudrait en bonne justice refuser ce que l’on trouve d’excellent, comme on refuse les lapsus, les accidents honteux, les sottises.»
5 août 2021.- Nuages (25°C). Basket JO, France - Slovénie, retour de la main de Dieu. Sinon pour le reste le virus est toujours là.
6 août 2021.- Quelques éclaircies (26°C). Le 14 mai 1966 Emil Cioran est d’une « nervosité d’Apocalypse ». Il déplace sa table de travail quatre fois dans l’espoir de trouver l’endroit propice pour « œuvrer ». Il sait bien que le vice est en lui, et non dans la table, mais cela n’empêche pas la comédie de durer toute la matinée : « Il est dommage que je ne croie pas à la psychanalyse, car j’aurais grand besoin qu’on débrouillât d’une façon quelconque mon cas. Du reste je relève beaucoup plus du confessionnal que de cette technique suspecte. » Le lendemain dimanche à la campagne dans la forêt de Compiègne où tout lui semble irréel : « y suis-je vraiment allé ? Le monde n’existe que pour celui qui dort ; pour celui qui veille et doit affronter le jour, tout tourne au rêve ».
8 août 2021.- Ciel changeant (25°C). Hier long repas familial ; je récupère. Ce matin, entre deux compétitions olympiques télévisées, Follain et ses Agendas. Remarque. Follain ne parle quasiment jamais de lui-même. Ce n’est peut-être pas plus mal, car lorsqu’il laisse effleurer ne serait-ce qu’un petit peu son intimité nous sommes assez gênés. Pour tout dire, on le préfère amusé devant les barbus en sandalettes de Greenwich Village (compte rendu d’un voyage aux États-Unis en 1966). Cet après-midi entamé Ébène, le volume qui rassemble les aventures africaines de Ryszard Kapuściński. Ghana libéré tiédeurs, couleurs et senteurs c’est déjà très bien… Enfin comme toujours avec l’ami Kapuściński.
To be continued