Rencontre avec un Lagarde et Michard du XXème siècle (édition de 1965). Travail colossal. Il synthétise les oeuvres de dizaines d'auteurs, en les illustrant par quelques textes marquants. Et il décrit, brièvement, l'évolution de la pensée française.
Tout devient simple. En particulier j'ai compris pourquoi tel ou tel poète a marqué son époque. Cela ne tient pas, toujours, à la beauté de son style ou à l'intérêt qu'a pour nous les sujets qu'il a traités, mais à la nouveauté de ses idées, qui ont changé la littérature qui l'a suivi.
Que nous avons de la chance d'avoir une telle culture ! ai-je pensé. Mais aussi : grand recul ! Que les interminables pages de wikipedia sont ridicules et inefficaces, en comparaison. D'ailleurs elles s'intéressent beaucoup plus aux potins qu'à l'oeuvre. Même nos philosophes modernes semblent avoir les idées moins claires sur Sartre et Camus, par exemple, que Lagarde et Michard, qui étaient leurs contemporains. (Camus n'est pas décrit comme un existentialiste, par exemple, ou défini par son opposition à Sartre, comme ayant raison ou tort, ainsi qu'on le fait aujourd'hui, mais comme le créateur d'un nouvel "humanisme".)
Le plus surprenant, peut-être, est leur attitude vis à vis des auteurs dont ils parlent. Elle est, pour reprendre le terme à la mode, formidablement "bienveillante". Il n'y a pas de "bons" et de "mauvais". Tous ont un parcours, généralement chaotique, qui a abouti à une oeuvre, et c'est cela qui compte. Tous contribuent à la culture française, à son rayonnement.
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de critique. Par exemple, il est dit de Sartre qu'il a du génie et de la générosité, mais que, lorsqu'il s'engage dans la politique, c'est "au détriment de l'élaboration esthétique". Ce que Lagarde et Michard n'acceptent pas, c'est la facilité, le relâchement. Pour Bertold Brecht, on lit : "idéologie sommaire" et "saine vigueur technique efficace". Ce qu'ils recherchent, c'est le talent. Une leçon ?