J’ai commencé par Birdman de Mo Haider, auteur dont on parle beaucoup depuis quelques temps. Pour l’anecdote, son livre Pig Island se passe à quelques kilomètres de Craignish, pas loin de l’endroit où le Phoenix achève son œuvre. D’ailleurs, Mo Haider est réputée pour ses histoires de tueurs en série bien glauques dont je raffole. Et, croyez-moi, des histoires de serial killer j’en ai bouffé pour préparer In Memoriam. A commencer par ceux de Dieu le père, James Ellroy : le Dahlia noir, bien-sûr, mais aussi Un tueur sur la route qui décrit à la première personne les mémoires d’un tueur en série. Et puis les autres. Des incontournables : Dragon rouge (Harris), les Racines du mal (Dantec), Le Poète (Connely), aux plus divers, plus ou moins bien écrits (Mankel, Cornwell, Granger, Chattam…). Mais revenons à Birdman : j’ai lu les 30 premières pages et puis blocage. Le livre me tombait des mains. Une impression terrible de déjà lu. La figure du policier solitaire dépressif (Connely, Rankin, Mankel…), la séance de dissection chez le médecin légiste (Libermann, Cornwell…), le tueur sadique, esthète et intelligent (Ellroy, Harris…). Bref j’ai laissé tomber Mo. J’ai entamé et dévoré en quelques jours Cul de sac, premier livre de Douglas Kennedy, auteur réputé pourtant pour un tout autre genre de roman. Cul de sac, c’est l’histoire d’un touriste américain qui se retrouve perdu au fin fond de l’Australie dans une communauté un peu étrange. Je ne vous en dis pas plus, histoire de ménager le suspens. Quoique le suspens ne soit pas la qualité première de Cul de sac. L’histoire est très linéaire. Pas de points de vue multiples, de récits croisés, comme dans la plupart des thrillers modernes. Pas d’énigme alambiquée. Peu de cadavres. Et pourtant le livre se lit d’une traite, porté par un récit enjoué et rythmé. Un petit joyau. J’ai enchainé avec Malavita encore de Tonino Benacquista. J’avais bien aimé Malavita. Cette histoire de mafioso repenti réfugié en France. Ce second tome ne m’a pas déçu. A part la fin mais c’est classique dans les polars (j’en sais quelque chose). De nouveau, j’ai passé un super moment en compagnie de Giovanni Manzoni, alias Frédérick Blake alias Fred Wayne, alias Laszlo Pryor. Le personnage a des airs de Toni Soprano. C’est dire s’il est attachant. Le moment où il découvre la littérature est savoureux. Là non plus, on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un vrai polar. D’ailleurs il n’est pas édité dans la collection série noire mais dans la prestigieuse collection NRF. Pas de course poursuite, aucune séance d’autopsie où le flic, pourtant rompu à ce genre d’exercice, rend son petit déj dans la foulée, histoire de bien enfoncer le clou. Aucun tueur psychopathe à l’horizon, à part un serial d’aubergines parmesanes… On assiste la plupart du temps aux longs soliloques du héros en proie à l’angoisse de vieillir et de ne plus servir à rien. Comme Cul de sac, Malavita possède cependant une qualité devenue rare dans la littérature policière moderne : l’humour. Cet humour, teinté de dérision, souvent caustique, sans lequel on ne se souviendrait pas avec autant de tendresse de Chandler, Himes, Manchette, Westlake. Tiens, et si je relisais Histoire d’os, Morgue pleine ou la Reine des pommes ? C’est sûr ce sera peut-être pas aussi profond que Soljenitsyne mais ce sera plus poilant. Paix à son âme.
Illustration : making of d'In Memoriam I, mai 2002.