Ce week-end, la République islamique n’a pas donné sa réponse, comme réclamée par les grandes puissances mondiales, à l’offre de mesures incitatives visant la suspension de son programme d'enrichissement d'uranium. Et, une fois de plus, les messages qui viennent de Téhéran se distinguent par leur contradiction.
Hier, le même Président Ahmadinejad qui annonçait récemment, à coup de tapage médiatique, la possession de 6000 centrifugeuses, s’en est remis à la diplomatie comme seul moyen de sortir de la crise, en précisant que « l’Iran est sérieux dans les pourparlers sur le nucléaire ». Une conversation téléphonique devrait également avoir lieu, aujourd’hui, entre Javier Solana, le diplomate en chef de l’Union Européenne et Saeed Jalili, le négociateur iranien sur le dossier nucléaire.
Mais ce matin, c’est sur un ton largement plus belliqueux que le chef des Gardiens de la révolution, Mohammad Ali Jafari, a annoncé le test, par l’Iran, d’un nouveau type de missile anti-navire capable d’atteindre une cible dans un rayon de 300 kilomètres.
Cela veut-il dire que l’Iran se préparer au pire ? « Dans le fond, les Iraniens poursuivent la même tactique de la carotte et du bâton que leurs interlocuteurs. D’un côté, ils menacent en faisant semblants d’être les plus forts, mais de l’autre, ils discutent »,remarque le sociologue iranien Hamid Reza Jalaïpour. Favorables à une poursuite du dialogue, l’Europe agite, en effet, la menace de sanctions supplémentaires et les Etats-Unis n’excluent pas le recours à la force, en cas d’échec des négociations. L’Iran, pour sa part, bombe le torse, mais ne claque pas la porte des discussions. Au contraire.
La proposition dite de « double gel » (« freeze for freeze ») faite par Javier Solana, lors de sa visite à Téhéran, en juin dernier n’a pas été formellement refusée. D’après certaines sources proches du régime, Téhéran pourrait même être favorable à ce projet qui vise à relancer des négociations de fond sur une base favorable à tous : le gel de l'accroissement des sanctions contre l'Iran et, en retour, le gel de l'installation de nouveaux équipements permettant d'enrichir l'uranium (une technologie rendant possible la fabrication de la matière fissile utilisable dans une bombe atomique).
« L’Iran a accepté le principe du « freeze for freeze », mais préfère ne pas rendre sa décision publique pour des questions de fierté nationale », confie un ancien diplomate iranien, proche des cercles de décision. « En fait, la République islamique ne veut pas tomber dans le piège tendu par les Européens. Si elle annonce publiquement qu’elle accepte le double gel, alors ses interlocuteurs commenceront à avoir d’autres exigences », poursuit-il.
Par autres « exigences », il faut entendre la suspension de l’enrichissement de l’uranium, qui continue à constituer une « ligne rouge » infranchissable pour les autorités de Téhéran. C’est ce qui ressort du document, intitulé « non-paper » que Saeed Jalili, a remis à Javier Solana lors de la réunion de Genève, il y a quinze jours. En faisant traîner les discussions, l’Iran espère, selon les experts, gagner du temps jusqu’aux prochaines élections américaines, afin de traiter avec l’équipe du remplaçant de George W. Bush.
L’Iran, qui a également remis ses propres propositions, dans lesquelles il suggère qu’un consortium international supervise l’enrichissement d’uranium sur son propre territoire, aimerait que ses suggestions soient, aussi, prises en compte.
« En quelle qualité abordons-nous ces négociations : partenaires, amis, concurrents, ou parties hostiles ? " Une coopération à visée " stratégique " entre l'Iran et ses interlocuteurs " pourrait mener à la résolution de difficultés qui sont devenues chroniques », aurait d’ailleurs laissé entendre Saeed Jalili, lors des discussions de Genève, d’après un article sur les coulisses des discussions publié dans Le Monde de ce week-end.
Ce qu’espère surtout Téhéran, et que l’administration Bush n’est pas en mesure de lui offrir, ce sont des garanties contre une attaque américaine (l’exemple de l’invasion en Irak est régulièrement évoquée dans les conversations à Téhéran) et contre toute tentative de renverser le régime. L’Iran dit ne pas voir, non plus, de raison de suspendre son programme, au moment où la course au nucléaire se propage dans la région.
« Il y a 7-8 ans, on voulait nous interdire toute centrale nucléaire. Aujourd'hui, certaines superpuissances continuent de mépriser d'autres Etats pour maintenir leur statut. En Iran, nous avons confiance dans les règles internationales, dans le Traité de non-prolifération nucléaire. Mais il faut lire le TNP correctement. Ce traité ne dit pas que certains Etats peuvent enrichir l'uranium et d'autres ne le peuvent pas. En revanche, il prévoit que les puissances nucléaires doivent désarmer. Cela n'a pas été fait. Contrairement à la République islamique d'Iran, Israël n'a pas signé le TNP. Nous plaidons pour un Moyen-Orient sans bombe nucléaire », confie ainsi Kazem Jalili, le porte-parole de la commission sécuritaire du parlement iranien, dans une interview accordée la semaine dernière au journal suisse Le Temps.