Pour Boris Cyrulnik, il n'y a pas d'une part les plantes, et les animaux, et de l'autre, nous les humains. Et notre avenir dépend beaucoup du vivant.
La catastrophe, mode de l'évolution humaine
Boris Cyrulnik : "La catastrophe est un mode d'évolution de l'humanité. Le tsunami de Lisbonne, autour de 1755, provoque l'avancée de l'urbanisme. L'épidémie de peste de 1348 de Marseille transforme les règles sociales. La guerre de 1914-1918 a été une métamorphose en particulier pour les femmes… En cas de catastrophe, ou de grand changement, les réformettes politiques ne suffisent plus. Il faut engager des bouleversements sociaux importants. Le grand bouleversement actuel, et la découverte qu'on a palpée pendant presque deux ans, est qu'on ne peut plus ne pas respecter la nature.
On fabriquera des virus tous les ans. Il faudra recommencer à se confiner avec un prix humain exorbitant.
Mieux comprendre les animaux
Le jour où l'on comprendra qu'une pensée existe chez les animaux, nous mourrons de honte de les avoir enfermés dans les zoos, et de les avoir humiliés. J'ai côtoyé l'écologie animale dans les années 1970. On a appris que les animaux comprennent beaucoup plus de choses que ce qu'on croyait. Descartes nous a joué un vilain tour en parlant "d'animal machine". Et cette idée a infusé notre culture occidentale.
Je fais partie d'une génération où lorsque j'étais étudiant en médecine, des maîtres nous disaient tant que l'enfant ne parle pas, il ne peut rien comprendre. Beaucoup de mères étaient étonnées : "Mais moi, j'ai l'impression que mon bébé comprend", disaient-elle. On a plaqué ce raisonnement sur les animaux aussi.
On fabrique des animaux dans des élevages faramineux. Pour nourrir ces animaux, on détourne les végétaux. On en aura bientôt plus. Souvent, on mange des animaux inutilement…
Tous les êtres vivants doivent être respectés. Si on ne respecte pas les plantes, on va abîmer notre vie quotidienne. Si on ne respecte pas les animaux, on va créer des déséquilibres dans le système... Mais pour respecter le vivant, il faut le comprendre.
Un programme : ralentir la consommation, la circulation, l'école pour aller à la rencontre des autres
Si on remet en place l'ancienne société avec son hyper consommation et son hyper circulation tous les ans, de nouveaux virus apparaîtront. Nous devons ralentir. Ralentir la consommation, ralentir la circulation, et même ralentir l'école… On veut vivre 100 ans si on perd un an ou deux à l'école, qu'est-ce que ça peut faire ?
Ralentir pour éprouver le plaisir de rencontrer l'autre. Il faut aller découvrir les personnes de différentes cultures, de diverses religions… On peut alors expliquer notre culture. Et ne pas être toujours d'accord. On peut se disputer. Et la dispute fait partie de la relation humaine.
Je dis que notre corps est un carrefour de pression climatique sensoriel. Notre âme est un carrefour de récits. On ne sépare plus le corps et l'âme. Les deux fonctionnent ensemble. Si on abîme le corps, on abime l'âme et vice-versa. Puis on abime la société, et on ne peut plus vivre ensemble. Ce raisonnement écosystémique commence à être accepté. Il y a encore des gens qui s'y opposent, mais cela ne fait rien. L'évolution dans les mois qui viennent va imposer cette idée globale."
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