Passagers, par les 7 Doigts

Une dédicace, à la fin du générique, mentionne Raphaël Cruz. Un deuil a touché les 7 Doigts tandis que ce spectacle commençait à naître. La création y a trouvé un sens particulier. Quel est donc ce voyage, quelles sont ces histoires qu’on raconte, qui ont un début, un déroulement et une fin ? C’est la vie, les rencontres, ces moments où on a l’impression de ne rien décider, d’être une bille dans un flipper, c’est le temps qui ne passe pas toujours de la même façon, des accélérations, des ralentissements… Quand on voyage, il faudrait toujours être prêt à tout. On est sur les rails, il n’y a plus de rails. Il n’y a parfois même plus de conducteur. En tout cas on ne le voit plus. Dans ce compartiment où passent les passagers, cherchant une place, on voit défiler les paysages, mais ces paysages, en réalité, ne bougent pas, c’est le train qui défile. L’illusion est totale sur cette scène. Il suffit de claquer les doigts et les voyageurs s’endorment tandis que la contorsionniste crée et entre dans leurs rêves : dans les rêves tout est possible. Un projecteur balaie le public. Nous y sommes, du voyage. Nous sommes des passagers. Avons franchi des frontières. Avons-nous su accueillir ? Les rails quittés, on s’envole, on découvre l’air, le ciel, on ne chute pas : on est assis dans un nuage, on est assis sur une chaise très haut perchée, on est assis sur une balançoire dont le va-et-vient attire l’autre que les amis projettent dans les bras. On est debout jouant, jonglant, sautant, dansant. On est avec celle qui fait tourner les cerceaux, avec celui qui nous rattrape par les chevilles, par les poignets. On a confiance. Il n’y a sur la scène que des humains et la poésie de leurs chants, la précision, la force et la douceur de leurs gestes. 

 J'ai vu ce spectacle à la Maison des Arts de Créteil.

photo : Passagers – Cie Les 7 Doigts de la Main © Alexandre Galliez