Salut, les potes
«On dirait une recette suisse allemande», s’est écriée, enjouée, une convive, en découvrant notre féra au melon et au concombre. Sur le coup, on l’a vagement mal pris (nos amis alémaniques sont parfois des cuisiniers insolites, mais pas toujours renversants).
C’est que voyez-vous, ce plat-là, on y avait cogité velu. Des jours. Des nuits. En y mettant tout notre cœur et notre jeunesse d’esprit. L’idée: trouver un apprêt estival, inédit et rigolo au poisson lémanique. D’où la tentation de le marier à deux cucurbitacées de l’été, que l’on avale crues d’ordinaire. Ben oui, le melon et le concombre, deux cousins botaniquement proches, passent rarement sur le gaz.
Et là, paf! Dr Slurp vous balance au museau, non seulement une association stupéfiante, mais en plus une tactique révolutionnaire. On imaginait donc recevoir des lauriers, des bisous, des sourires humides, des tapes dans le dos, une petite médaille, une invitation au journal télévisé peut-être, voire le grand prix de l’académie Charles Croc. Que nenni. «On dirait une recette suisse allemande», a donc dit la dame. Avant d’ajouter: «Mais c’est superbon, très frais». Ouf.
Demandez au poissonnier de vous lever des filets de féra (ou autre créature d’eau douce pour vous autres, pauvres lecteurs lointains). Faites dégorger au gros sel le concombre taillé en cubes. Marinez le melon, détaillé en cubes itou, dans un peu d’huile d’olive, avec une bonne tombée de muscade râpée, du piment, de la civette émincée, du basilic thaï ciselé, du gingembre en poudre, quelques tours puissants de moulin à poivre. Plus les zestes et la chair coupée à vif d’un citron vert.
Essuyez le concombre. Ajoutez-le au melon. Touillez doucement. Filmez. Au frigo, une demi-heure.
Poêlez à feu médium la féra dans un peu d’huile d’olive et de beurre. Deux minutes côté peau. Une minute côté chair. Assaisonnez avec un certain acharnement. Réservez au chaud. Ajoutez une noisette de beurre dans la poêle, montez le feu, et balancez melon et concombre 30 petites secondes. Pffffft. Coiffez le poisson. Et attendez les commentaires désobligeants.
Avec ça, l’Insolite de Thierry Germain, un immense chenin de Loire au bouquet floral et miellé proprement envoûtant, fait ami ami.
Bien le bonjour chez vous