(Note de lecture) Cécile Mainardi, La Blondeur, par Vianney Lacombe

Par Florence Trocmé


Les Petits Matins rééditent La blondeur (1) de Cécile Mainardi dans une nouvelle édition enrichie des Extensions critiques dans lesquelles elle revient sur sa quête amoureuse de la blondeur qui l’a menée à ce défilement de métaphores jamais fini (p.126), mais pas seulement. La Blondeur, c’est l’endroit où il y a toute la place pour mettre le livre entier qui n’est jamais fini, mais dont Cécile Mainardi nous donne quelques extraits, puisque cette blondeur est inépuisable : Toute blondeur est le lieu vide du désir où je mets un nom (p.159) avec des mots, dans une mécanique qui ne connaît de borne que dans la disposition de la page, grand Capitaine de l’organisation du livre de C. Mainardi, qui règle l’étroitesse, la longueur, et la largeur des pages, à l’intérieur desquelles elle déploie la longueur, l’épaisseur et la hauteur de sa blondeur qui n’est, bien sûr, que le vide du désir qui demande à être comblé par le roulement des métaphores – mais pas seulement, puisque Mainardi repousse sans cesse l’horizon de la blondeur un peu plus loin dans chaque séquence, où cette couleur se prête à toutes les formes et les extinctions de la grandeur physique engendrée à l’intérieur de notre esprit par la qualité de ce mot, qu’elle essaye de pousser le plus loin possible dans l’infra-visible, c’est-à-dire à cet endroit non-nommé, mais que le poème poursuit en s’élançant pour le rattraper, mais échoue toujours pour pouvoir recommencer, et enfin, enfin, derrière cette blondeur, cette couleur, atteint le lieu, l’endroit où le texte sort de lui-même, et se révèle pur rythme, le lieu où j’appelle blondeur ce qui donne à voir ce vide (ibid.) pour le combler, et qu’enfin il soit délivré de la chaîne qui l’a fait naître et qu’il soit possible de l’expliquer.- ainsi en est-il dans les Extensions critiques qui reviennent sur les bas-côtés d’où Mainardi suivait l’acheminement de ses poèmes vers une approche plus dirigée, plus maîtrisée de la réalisation des textes de La blondeur. Il est aussi un texte qui accompagne Cécile Mainardi dans son ouvrage, c’est la postface de Stéphane Bouquet, complice de Mainardi dans sa Blondeur poursuivie sur les rives du Tibre, sur les flots de ce fleuve dont le flux accompagne le mouvement du Fleuve-Blondeur de Mainardi, fleuve-poème des mots sans arrêt, mouvement sans arrêt immense et vivant.
 1. Paru en 2006 chez le même éditeur

Vianney Lacombe

Cécile Mainardi, La blondeur, Éditions Les petits Matins, 2021, 168 p., 14€

Extraits :
Je cherche le poème-à-phrases. Je cherche les phrases du poème-à-phrases sur lequel on pourrait tenir sans chavirer (chavirer me revient comme un souvenir de syllabes). On les réunirait peu à peu comme des planches de manière à former une espèce de plaque, de plate-forme au-dessus de la masse en mouvement de ce qu’on n’écrit pas, de ce qu’on ne peut pas écrire, mais qui bouge et résiste, une façon de se poser dessus/d’y faire la planche pour lui échapper, de lui échapper par contact, par adhérence, par flottaison, par la sorte d’étrange charité horizontale/de surface qu’on lui fait en écrivant autre chose. (p.59)
J’écris sur ta blondeur tant qu’il y a des choses à dire, tant qu’il y a des choses à en dire elle reste blonde, sinon elle s’éteint de sa belle extinction/et m’envoie sur les roses. Je maintiens seulement un état de blondeur dans la langue, pas une tonalité, pas un concept. Je maintiens seulement un état de disponibilité maximum dans les mots, de désœuvrement généralisé, de désistement quasi ultime dans le pouvoir qu’ils ont de nommer/ les mots, comme au coin d’une rue on se tient dans la seule position de voir une voiture passer, je ne pars à la recherche d’aucun renseignement précis, et d’ailleurs tout le texte n’a pas à être examiné. (p.35)