Lui : Ton mari, il sait cette histoire ?
Elle hésite.
Elle : Non.
Lui : Il n'y a que moi alors ?
Elle : Oui.
Il se lève de la table, la prend dans ses bras, la force à se lever à son tour, et l'enlace très fort, scandaleusement. Les gens regardent. Ils ne comprennent pas. Il est dans une joie violente. Il rit.
Lui : Il n'y a que moi qui sache. Moi seulement.
En même temps qu'elle ferme les yeux, elle dit.
Elle : Tais-toi.
Elle se rapproche encore plus de lui. Elle lève sa main, et, très légèrement, elle lui caresse la bouche avec sa main. Elle dit, presque dans un bonheur soudain.
Elle : Ah ! Que c'est bon d'être avec quelqu'un quelquefois.
Ils se séparent, très lentement. (...)
Lui : Parle encore.
Elle : Oui.
Elle cherche. N'y arrive pas.
Lui : Parle. (...)
Elle : Dans quelques années, quand je t'aurai oublié, et que d'autres histoires comme celle-là, par la force encore de l'habitude, arriveront encore, je me souviendrai de toi comme de l'oubli de l'amour même. Je penserai à cette histoire comme à l'horreur de l'oubli. Je le sais déjà"
Marguerite Duras, Hiroshima mon amour
Emois
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