" Le booster [la troisième dose] protège 30 fois plus que si on n'est pas vacciné et 7 fois plus que si on a reçu deux doses. " (Pr. Cyrille Cohen, "Le Parisien", le 6 octobre 2021).
Certains découvrent seulement maintenant la cinquième vague en France. Pourtant, dès la fin du mois de septembre 2021, elle était visible. Comme dans tous les précédents pics épidémiques, il y a d'abord une lente progression, puis une forte pente. Nous y sommes, malheureusement, avec 32 581 nouveaux cas en une seule journée (ce 24 novembre 2021). Cela fait 80% de plus que la semaine dernière en moyenne sur les sept derniers jours. Au 20 novembre 2021, le taux de reproduction effectif R0 est en pleine montée avec 1,59. La France ne pouvait pas ne pas subir cette vague venue de l'Est depuis deux mois. Les journées prochaines vont être difficiles avec, comme objectifs, les fêtes de fin de d'années et l'élection présidentielle. Fulgurance, donc, selon le mot de Gabriel Attal.
Ce jeudi 25 novembre 2021 dans l'après-midi, le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran va tenir une conférence de presse pour annoncer les mesures que le gouvernement compte mettre en œuvre pour encaisser le moins durement possible cette vague. J'insiste sur l'enjeu : des vies humaines, des centaines de vies humaines. Un conseil de défense sanitaire s'est tenu le mercredi 24 novembre 2021. Selon les fuites dans la presse, il ne serait pas question de prendre des décisions de confinement ou de couvre-feu comme dans certains pays européens, mais rien n'est assuré.
La France a deux atouts par rapport à la plupart des pays européens en pleine recrudescence épidémique : son taux de couverture vaccinale est très élevé (au 23 novembre 2021, il y a eu 51 768 323 personnes qui ont reçu au moins une dose, soit 77,3% de la population totale et 89,8% des personnes éligibles, c'est-à-dire des personnes de plus de 12 ans) et depuis le milieu de l'été 2021, le passe sanitaire est obligatoire dans les lieux publics culturels. La seule vaccination n'est pas suffisante (on le voit pour les Pays-Bas et la Belgique), les gestes barrières, y compris le passe sanitaire, doivent être utilisés comme une arme complémentaire et indispensable. J'évite d'évoquer l'aspect politique, mais on ne peut imaginer ceux qui ont voté contre la prolongation du passe sanitaire critiquer le gouvernement qu'il ne lutte pas suffisamment contre la pandémie.
La chance se confond avec l'espoir qui est de découpler le nombre de cas détectés du nombre d'admissions à l'hôpital, d'admissions en réanimation et de décès. La comparaison avec la Russie (entre autres) est très notable. En Russie (taux de vaccination : 44,1%), le taux d'incidence est de 175 (nouveaux cas pour 100 00 habitants sur sept jours), et le taux de décès est de 60 décès par million d'habitants sur sept jours. En France (taux de vaccination : 77,3%), le taux d'incidence est de 214, et le taux de décès est de 6 décès par million d'habitants sur sept jours. 10 fois moins ! À l'évidence, il vaut mieux vivre en France qu'en Russie en période de pandémie.
En France au 24 novembre 2021, il y a près de 1 500 personnes en réanimation (1 483). Pendant la quatrième vague, le nombre de décès en fonction du nombre de cas était très inférieur aux vagues précédentes grâce à la vaccination. Quant à l'Allemagne, c'est la catastrophe avec 73 966 nouveaux cas le 24 novembre 2021, elle a hélas franchi le seuil de 100 000 décès avec 100 481 dont 321 rien que pour la journée du 24 novembre 2021. La France en a hélas près de 119 000, dont 81 le 24 novembre 2021. Le nombre moyen de décès quotidiens en France augmente actuellement de 54% en une semaine.
On le voit : même si c'est avec un taux moins fort, l'augmentation du nombre de cas a un effet mécanique sur l'augmentation du nombre de décès. On a beau vacciner (efficacité seulement de 90%), il y aura une augmentation des hospitalisations. On aurait beau disposer de tous les lits possibles et inimaginables, avec les personnels soignants associés, cela n'empêcherait pas qu'une proportion de malades n'y survivront pas. Il faut par conséquent limiter au maximum la circulation du virus, et cela avec les gestes barrières en complément de la vaccination.
Rappelons que la vaccination actuelle (deux doses) a deux effets : elle réduit la contamination du virus (freine la circulation du virus), et elle évite la forme sévère en cas de contamination, ce qui est crucial pour l'aspect sanitaire. On évalue à 90% l'efficacité du vaccin pour éviter la forme sévère, c'est beaucoup, mais cela signifie qu'il y a quand même 10% qui sont en danger, surtout en cas de comorbidité.
Les statistiques de la DREES (je les ai déjà évoquées) parlaient d'un rapport de 7 à 10 entre personnes vaccinées et personnes non-vaccinées : il y a environ 10 fois plus de risque d'attraper le covid-19 ou d'être hospitalisé si on n'est pas vacciné par rapport à ceux qui sont vaccinés. Attention : cela ne veut pas dire qu'il y a plus de non-vaccinés actuellement à l'hôpital. Au contraire, les courbes se croisent pour une raison simple : il y a 90% (environ) de personnes vaccinées et le vaccin a 90% d'efficacité. Cela veut dire qu'en absolu, il doit y avoir en proportion autour de 50% de vaccinés et 50% de non-vaccinés dans les hôpitaux, et plus le taux de couverture vaccinale est élevé, plus la proportion de personnes vaccinées parmi les personnes hospitalisées est importante (c'est une règle de 3 et cela ne signifie pas que le vaccination n'est pas efficace ; sur l'efficacité, voir ci-dessous).
Parmi les outils dont dispose le gouvernement, il y a un aménagement du passe sanitaire : par exemple, réduire de 72 heures à 24 heures la validité du test négatif pour obtenir le passe sanitaire. Et puis, il y a la fameuse troisième dose qui est souvent appelée " dose de rappel".
De quoi s'agit-il ?
Justement, parlons de l'efficacité du vaccin. Ce sont les Israéliens qui ont observé le premier ce phénomène car ils étaient le peuple qui s'est fait vacciner le plus rapidement. Attention, je dis rapidement, mais encore aujourd'hui, il est moins vacciné que la France en taux de couverture. Or, l'observation a montré une baisse de l'efficacité du vaccin au cours du temps. Je l'ai expliqué précisément dans cet article.
En France, nous observons, avec un retard, cette baisse d'efficacité dans le temps. Les premières personnes vaccinées en janvier 2021 ont été encouragées à se faire injecter une troisième dose au bout de six mois à partir du mois de septembre 2021. C'était un encouragement "mou" et à la suite de l'allocution du Président Emmanuel Macron du 9 novembre 2021, il y a eu un nouveau sursaut dans la prise de rendez-vous (620 000 rendez-vous pris en un jour), en particulier parce qu'à partir du 15 décembre 2021, la dose de rappel est obligatoire pour valider le passe sanitaire des personnes de plus de 65 ans.
Globalement, jusqu'au 30 octobre 2021, les statistiques de la DREES montrent une baisse de l'efficacité : d'un rapport de 10 en juin 2021 (rapport entre le taux d'hospitalisation chez les personnes non-vaccinées et le taux d'hospitalisation chez les personnes vaccinées), il chute à seulement 3 maintenant pour les personnes de plus de 80 ans. Il y a donc une urgence à faire cette troisième dose qui a pour effet, selon les infectiologues, de booster le système immunitaire d'un rapport 10.
Jusqu'à maintenant, le gouvernement français a proposé cette troisième dose aux personnes de plus de 65 ans depuis le début du mois de septembre 2021, à ceux qui ont reçu leur deuxième dose il y a plus de six mois. À partir du 1 er décembre 2021, cette possibilité est élargie aux plus de 50 ans. Des autorités médicales évoquent les plus de 40 ans, ou même les plus de 18 ans, et après le cinquième mois au lieu du sixième mois. À force de parler en tout sens, il est difficile pour les gens de comprendre ce qui est proposé. C'est donc cet exercice de communication (et de décision) que le gouvernement doit faire pour faire connaître sa "doctrine" sur cette dose de rappel.
Il faut encore regarder la situation en Israël pour comprendre l'intérêt de cette troisième dose. Israël a eu une recrudescence épidémique très forte en juin-juillet 2021 et a pu faire face principalement avec la troisième dose. La politique de troisième dose a commencé à la fin du mois de juillet 2021 et cela a été très rapide car au 6 octobre 2021, 3,7 millions de personnes ont reçu la troisième dose, en particulier, près de 70% des plus de 60 ans, et 50% des plus de 40 ans.
Une première étude du Weizmann Institute of Science qui date du 27 août 2021 est très encourageante. Yinon M. Bar-On & al. affirment notamment : " Douze jours ou plus après la dose de rappel, nous avons trouvé une diminution de 11,4 fois du risque relatif d'infection confirmée, et une diminution supérieure à 10 fois du risque relatif de maladie grave. (...) Cette étude démontre l'efficacité d'une troisième dose de vaccin à la fois pour réduire la transmission et les maladies graves et indique le grand potentiel de réduire la résurgence du variant delta en administrant des injections de rappel. ".
"L'Express" du 8 octobre 2021 a repris les statistiques du Ministre de la Santé israélien : " Le taux d'incidence pour les cas graves est actuellement de 126 chez les non-vaccinés, contre 20 pour les [personnes ayant reçu deux doses], et seulement 2 pour ceux ayant reçu une troisième dose. L'incidence chez ces derniers a atteint 5 cas pour 100 000 [personnes vaccinées à trois doses] début septembre, contre 43 chez les [personnes vaccinées à deux doses] et 180 chez ceux qui n'ont jamais reçu d'injection. L'écart est le même pour les décès, ave des décès essentiellement concentrés chez les non-vaccinés. Le taux d'incidence chez les [personnes vaccinées à trois doses] n'a jamais dépassé 0,5. ".
Cité par l'hebdomadaire, l'immunologue Cyrille Cohen, professeur à l'Université Bar-Ilan de Tel-Aviv a affirmé dans "Le Parisien" du 6 octobre 2021 : " Sur les dernières semaines, il y a eu 70 décès : 52 personnes qui n'étaient pas du tout vaccinées, 16 qui avaient reçu deux doses, et seulement 2 avec trois doses ; (...) le booster protège 30 fois plus que si on n'est pas vacciné et 7 fois plus que si on a reçu deux doses. ".
C'est donc assez clair qu'il y a urgence à faire cette troisième dose dans la population générale pour freiner la circulation du virus. La France possède assez de doses pour "booster le boosteur". L'objectif serait qu'en un mois, une part significative, au moins de la population à risque, puisse recevoir sa troisième dose. Au 23 novembre 2021, il y a eu 5 824 035 Français qui ont reçu leur troisième dose, soit 8,6% de la population totale (y compris les enfants qui ne sont, pour l'instant, pas éligibles à la vaccination).
On a pu remarquer, c'était le cas pour le Premier Ministre Jean Castex, que beaucoup de contaminations se sont faites dans le cadre familial à partir des enfants qui sont généralement asymptomatiques. Comme c'est la plus grande partie de la population non-vaccinée, probablement que l'école est le lieu privilégié de la circulation du virus. Le lundi 22 novembre 2021, Israël a commencé une campagne de vaccination pour les enfants de 5 à 12 ans, afin d'enrayer l'épidémie. C'est le deuxième pays à l'avoir fait après les États-Unis, le fils cadet du Premier Ministre Naftali Bennett a été vacciné le 23 novembre 2021 au matin.
Gestes barrières, retour au télétravail, aux jauges, aménagement du passe sanitaire, élargissement voire généralisation de la troisième dose, peut-être vaccination des enfants de moins de 12 ans... toutes ces mesures sont sur la table pour juguler l'épidémie en forte hausse. Pour avoir une période de Noël "tranquille", il faut des mesures fortes, mais éviter à tout prix confinement et couvre-feu. Et les faire accepter par la population sinon elles ne seraient pas appliquées. Dites, les candidats à l'élection présidentielle, vous êtes toujours candidats ?!
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (24 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Troisième dose et fulgurance.
Confinement ou obligation vaccinale : faut-il écouter le docteur Martin Blachier ?
Martin Blachier.
La France d'Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 9 novembre 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
Témoignage : je suis (presque) vacciné !
Témoignage : au cœur d'un centre de vaccination contre le covid-19 (1).
7 idées fausses sur le passe sanitaire.
Covid-19 : 5 millions de décès dans le monde et la 5e vague en France ?
Covid-19 : faut-il vacciner aussi les enfants de moins de 12 ans ?
Infection ou vaccination : quelle est la meilleure protection contre le covid-19 ?
Prolonger la possibilité du passe sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022 ?
50 millions de vaccinés contre le covid-19 en France !
Covid-19 : comprendre la situation épidémique en Israël.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211124-covid-es-troisieme-dose.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/24/39233684.html