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l'invention freudienne consiste à ne pas s'en tenir à ce savoir ou à mettre
en place de nouvelles pratiques thérapeutiques, mais à
rattacher tout cela à la tragédie antique, afin de l'inscrire
dans une problématique universaliste de la condition humaine.
(E.R)
il ne s'agit pas de mettre en cause
le travail scientifique, mais bien un discours scientiste –
dénoncé par certains savants eux-mêmes – qui réduit les
phénomènes psychiques au fonctionnement des neurones ou à celui
de l'intelligence artificielle. Et ce discours est relayé par
des philosophes. Ainsi, toujours au début des années 1990,
Marcel Gauchet, qui se dit un représentant de la « gauche
antitotalitaire », a prétendu substituer l'inconscient cérébral
à l'inconscient freudien qui ne ferait plus « recette » dans un
monde où « l'affect » serait en voie de disparition . Le mot
cognitivisme est apparu en 1981, mais la méthode existait
avant. Le grand historien des sciences Georges Canguilhem ne le
connaissait donc pas lorsque qu'il prononce sa célèbre
conférence « Le cerveau et la pensé », en 1980 . Mais il
critique férocement la croyance qui anime l'idéal cognitiviste
: la prétention à vouloir créer une « science de l'esprit »
fondée sur la corrélation entre les états mentaux et les états
cérébraux.(E.R)
Elisabeth Roudinesco. On reproche à la thérapie psychanalytique
– ou à des thérapies qui s'en inspirent – d'être trop longue et
trop coûteuse. D'autant que ses résultats ne sont pas
mesurables. La médecine scientifique qui soigne les maladies
somatiques constate des symptômes, nomme une maladie et
administre un médicament. On dit alors que le malade est guéri
du mécanisme biologique de la maladie. S'agissant du psychisme,
on peut tenter de faire disparaître le symptôme, par des
médicaments ou d'autres thérapies. Mais pour autant le malade
n'est pas «guéri ». En fait, la « guérison psychique » a un
statut différent de la guérison somatique. Elle n'est rien
d'autre qu'une transformation existentielle du sujet. Et cela
on ne le mesure pas.