Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita

Publié le 22 novembre 2021 par Sylvainrakotoarison

Le vrai marqueur de différenciation, ce serait leur réaction à la polémique Lagarde vs Zemmour. Un peu faible et léger lorsqu'on voulait montrer qu'on est le plus apte à prendre les destinées du pays...

Non, pas bis mais ter repetita ( non placent) ou assueta vigescunt. Ce dimanche 21 novembre 2021 dans la soirée a eu lieu sur CNews et Europe 1, le troisième débat des candidats LR à l'investiture par le congrès à l'élection présidentielle. Michel Barnier, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Éric Ciotti et Philippe Juvin étaient les débatteurs et Sonia Mabrouk et Laurence Ferrari étaient les animatrices.
Autant dire tout de suite que ce débat n'aura certainement pas l'effet de départager les candidats auprès des hésitants. Tous ont été égaux à eux-mêmes, plutôt au meilleur de leur forme, mais c'était déjà le cas aux deux précédents débats, et rien ne semblait vouloir les distinguer dans cette fuite en avant par un antimacronisme primaire particulièrement contreproductif.
En effet, aux yeux des cinq candidats, la France d'Emmanuel Macron serait catastrophique, rien n'aurait été bien fait, ce serait un désastre. Or, l'excessif est toujours insignifiant. Il y aurait plus de crédibilité à dire ce qui allait et ce qui n'allait pas. La résultante, c'est que ces excès d'antimacronisme, paradoxalement proportionnels à leur proximité idéologique, n'étaient pas vraiment convaincants. D'ailleurs, tous ont en permanence mis dans le même sac François Hollande et Emmanuel Macron comme s'ils étaient tous les deux socialistes.
Philippe Juvin a dit par exemple qu'on avait toujours perdu du temps depuis deux ans avec la crise sanitaire, qu'on n'avait jamais anticipé, sans reconnaître que la campagne de vaccination a été une grande réussite (à ce jour, 51 713 486 Français ont reçu au moins leur première dose de vaccin), et que le Président de la République avait anticipé dès le début de l'été en instituant le passe sanaitaire (seul Éric Ciotti s'est permis de dire qu'il avait approuvé et voté la loi d'urgence sanitaire, car lui, c'est sûr, on ne pourrait pas le soupçonner d'une proximité idéologique avec Emmanuel Macron).
Chacun y allait de ses obsessions, et la plupart, sur tous les domaines, comme l'éducation, revenaient toujours à l'immigration ou à la sécurité (Valérie Pécresse : mon école n'est pas celle de la repentance, n'est pas celle où on bafoue l'autorité des professeurs, sans évoquer les programmes, par exemple, ou les moyens concrets de mieux instruire). Ah, d'ailleurs, oui, Xavier Bertrand veut changer le nom du Ministère en Ministère de l'Instruction nationale. À part les cartes de visite et les papiers à en-tête du bulletin officiel, cette mesure est un gadget et je m'étonne que ce soit la rare proposition d'un candidat à la magistrature suprême ! Les pauvres, ils sont épuisés de trouver des propositions percutantes, originales, et surtout, intelligentes et crédibles !
On ne pouvait pas attendre grand-chose d'un débat sur CNews sinon de rabâcher les thèmes de la sécurité en long et en large. Les candidats ont fustigé leur ancien ami politique Gérald Darmanin, actuel Ministre de l'Intérieur, dire qu'il ne voyait pas les gens autour de lui parler d'un problème d'immigration (il vient de Tourcoing), mais plutôt de problèmes de pouvoir d'achat. Michel Barnier a trouvé que Gérald Darmanin avait des problèmes de myopie.
En introduction, chaque candidat devait parler d'un sujet qui leur tenait à cœur. J'ai trouvé que c'étaient Valérie Pécresse et Xavier Bertrand qui s'en étaient le mieux sortis. Valérie Pécresse a évoqué l'éducation, comment elle voyait "son" école (avec la prétention que chaque Président façonnerait "son" école), ensuite Michel Barnier était sur la défensive, parlant des institutions pour mieux évoquer la supposée "arrogance" d'Emmanuel Macron qui décide seul (comme si ce n'était pas le cas de tous ses prédécesseurs) et le besoin d'une meilleure écoute des élus locaux (chez LR, les territoires permettent de concurrencer le terroir du polémiste Éric Zemmour), pour finir par dire qu'il avait l'énergie d'être candidat ou d'être Président (comme si ce n'était pas une évidence). Philippe Juvin sans surprise parle du manque de moyens dans les hôpitaux, assurant gravement que l'hôpital public était en train de disparaître (sans parler du Ségur de la Santé qui a été un effort inédit pour l'hôpital public justement !), et sans surprise non plus, Éric Ciotti a évoqué la sécurité, le politiquement incorrect, et a félicité la chaîne CNews d'en parler souvent.
Enfin, et c'était sans doute le plus intéressant car il n'a attaqué personne, même s'il était là avec ses gros sabots pour se dire "social", c'était un peu trop voyant, Xavier Bertrand a évoqué le handicap (comme si rien n'avait été fait depuis quinze ans), et a souhaité une nouvelle loi pour répondre à la question cruciale des parents : qui s'occupera de mon fils en situation de handicap quand je serai mort ? et le candidat des Hauts-de-France veut mieux aider et accompagner les aidants. Il a fait référence aux trois lois historiques pour le handicap depuis cinquante ans, toutes adoptées quand Jacques Chirac était au pouvoir, à Matignon ou à l'Élysée. Un Jacques Chirac dont il se faisait donc l'héritier. Il a aussi balayé les accusations de : pourquoi n'avez-vous rien fait quand vous étiez au pouvoir ? Ministre de la Santé il y a dix ans, Xavier Bertrand a assuré que ses successeurs n'ont rien fait non plus pour corriger s'il avait mal agi. Défense assez incertaine.

Que dire encore de ce débat ennuyeux ?
Michel Barnier veut recréer le service militaire car il a été dit que c'était une bonne occasion de mixité sociale (dans ce cas, pourquoi militaire puisqu'il a été dit que c'était militairement inutile pour la Défense et très coûteux ?), il oublie aussi que toutes les casernes ont été vendues et on n'a plus les moyens d'héberger les nouveaux appelés. Il a dit aussi qu'il voulait une application stricte des peines, il était préférable que les jeunes délinquants fassent dix jours de prison plutôt que la société ferme les yeux, et il a repris l'idée des "casernes désaffectées" pour les loger ! C'est vraiment ne pas connaître la situation foncière de l'armée. Tous les terrains ont été vendus ou en cours de vente pour des raisons budgétaires et aussi d'aménagement urbain des centres-villes (voir par exemple la caserne du centre de Grenoble qui est devenue un centre commercial).
Philippe Juvin ne s'encombre pas de scrupule en suggérant des mesures anticonstitutionnelles, comme proposer une désindividualisation des peines avec la création d'un "délit de bande". On ne sait pas qui a commis un délit mais on sait que c'est la bande, elle sera alors condamnée. Aussi stupide que les punitions collectives en classe, stupide et injuste évidemment, mais la recherche de propositions originales fait vraiment dire n'importe quoi. Cela me fait penser au régime égyptien actuel qui avait jugé et condamné (le 25 mai 2014) des terroristes islamistes " collectivement", avec des peines capitales collectives pour des centaines de prévenus sans avoir étudié précisément les faits et gestes de chaque prévenu. Effarant !
Idem avec la proposition de Valérie Pécresse, déjà développée au deuxième débat, de peines plus sévères si le délit est commis dans un quartier sensible (de banlieue), plutôt que dans des beaux quartiers : là encore, anticonstitutionnelle et injuste. Valérie Pécresse s'est défendue en disant que ce sont des circonstances aggravantes et que c'est déjà le cas quand le délit est commis dans un lieu scolaire par exemple. Michel Barnier n'a pas souligné l'injustice ni l'anticonstitutionnalité de la mesure (tous proposent n'importe quoi) mais a évoqué son inefficacité en disant que avec un tel dispositif, les délits se déplaceraient vers les beaux quartiers !
Je termine sur les commentaires très différents à propos du scandale du jour, une phrase malheureuse de Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI, député et ancien maire de Drancy, dite au cours d'une matinale du service public.
En effet, interrogé par Jean-Jérôme Bertolus sur France Info le 21 novembre 2021, s'adressant virtuellement à Éric Zemmour, il a lâché, emporté par la fougue : " Si M. Pasqua était là, il te filerait une balle dans la tête. ". C'est stupide, hyperviolent et inutilement haineux. Jean-Christophe Lagarde, conscient de la boulette d'une violence incroyable, a retiré ses propos quelques heures plus tard et a présenté ses excuses sur Twitter : " Je regrette mon expression totalement inappropriée à propos de Pasqua et Zemmour ce matin, je voulais dire qu'à l'époque, une telle imposture de sa part aurait eu une réplique des plus cinglantes. La violence doit toujours être bannie du débat politique. ".
Éric Zemmour l'a quand même pris pour un appel au meurtre mais a annoncé qu'il ne déposerait pas plainte. Le pseudo-candidat polémiste s'est même amusé en rappelant que Jean-Christophe Lagarde avait été en garde-à-vue en mars 2021 pour détention d'armes à feu : " Malgré ton "mea culpa" de pacotille, je ne t'excuse pas. D'abord, parce qu'en présentant Charles Pasqua comme mon ennemi, tu portes ; atteinte au profond respect et à la sincère amitié que j'ai voués à cet homme unique (...). Ensuite, parce qu'en me menaçant de mort par cet ami interposé, tu ajoutes l'abjection à la falsification, la perversité au bobard. (...) De toutes les racailles qui me prennent pour cible, tu n'es certainement pas la plus dangereuse, mais incontestablement la plus traîtresse. (...) Je te laisse donc à ta juste place politique : ce "centre" qui est le pseudonyme du néant. ". À cause de l'attaque du président de l'UDI, France Info a dû l'inviter à la matinale du 22 novembre 2021, alors que le service public avait décidé de l'inviter seulement à partir de sa déclaration de candidature.
La réaction des candidats LR à cet incident était intéressante à bien des égards. Jean-Christophe Lagarde a annoncé le 8 novembre 2021 qu'il ne se présenterait pas à l'élection présidentielle et qu'il soutiendrait le candidat LR, après avoir envisagé le 31 mai 2021 d'être lui-même candidat.
Le premier à faire part de sa réaction a été Xavier Bertrand qui a dit que Jean-Christophe Lagarde avait présenté des excuses et donc, l'affaire était close. Ensuite, Michel Barnier a réagi sur la petite phrase en disant que ce n'était pas bien, sans évoquer le retrait de la phrase. Éric Ciotti, à l'évidence proche d'Éric Zemmour, a dénoncé la passivité des médias mais aussi de la justice, et a demandé au procureur de la République de se saisir lui-même de cette affaire très grave. Valérie Pécresse a condamné aussi cette petite phrase, tandis que Philippe Juvin a rappelé les excuses de Jean-Christophe Lagarde. On peut donc imaginer quelle est la préférence de Jean-Christophe Lagarde parmi ces candidats.
Le quatrième et dernier débat des candidats LR aura lieu sur France 2 et France Inter le 30 septembre 2021, dans une émission animée par Léa Salamé. Il faudra beaucoup de créativité pour que ce dernier débat ne retombe pas dans l'ennui comme les précédents. Macron-pas-beau en cinq exemplaires et moi-je-suis-le-plus-sécuritaire en cinq exemplaires aussi ne suffiront pas à départager des candidats qui, dans l'élection, seront totalement démunis lorsqu'il faudra renouer avec l'électorat du centre droit qui les aura fui. Ressaisissez-vous, candidats LR !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (21 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l'impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.

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