"Un peintre qui chante" nommé CharlElie Couture LE MONDE | 02.08.08 | 14h38 • Mis à jour le 03.08.08 | 18h19 Perpignan Envoyé spécial
"J'ai commencé quand j'avais 15 ans, explique l'artiste, né en 1956. En France, j'ai fait 80 expos. A 12 ans, dans une exposition de peintres dadaïstes que je visitais avec mon père à Nancy, j'ai eu comme le sentiment ébloui que c'était ça qu'il fallait que je fasse." Dès le lycée, il intègre une section artistique, puis entre à l'Ecole des beaux-arts. Il rêve alors de devenir réalisateur. "C'est pour ça que je suis entré aux Beaux-Arts. Pour apprendre à dessiner. J'avais en tête les croquis d'Eisenstein pour Alexandre Nevsky, faits en trois traits, extraordinaire truc. Je voulais acquérir une vraie dextérité, pour dessiner mes story-boards. Mais les Beaux-Arts m'ont donné la fringale de découvrir."
"ETRE CONNU, C'EST GÊNANT"
Il expose pourtant, mais dans de petites galeries qui souvent profitent de sa notoriété. "Etre connu, c'est gênant. Parce que tu existes déjà au moment où tu arrives. J'étais perçu à travers le prisme du monde du spectacle. C'était très difficile..." Il persiste à mener ses diverses activités de front. En 2003, c'est en tant qu'artiste plasticien qu'il est invité à participer à un concours pour l'aménagement de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) d'Amiens (Somme). Son dossier franchit les étapes de sélection, jusqu'à ce qu'il fasse partie des trois retenus pour être soumis au jury. Or, jusque-là, les projets étaient anonymes.
"Quand j'ai ouvert la porte, j'ai vu le regard ébahi des membres du jury, qui me disent : "Vous avez dû vous tromper, ici, c'est un concours d'art visuel."" A aucun moment, affirme-t-il, le jury n'examine son projet. " Ils avaient peur qu'on leur reproche d'avoir cédé à la notoriété d'une star du show-biz, ou voulaient réserver leur budget à des "vrais" artistes. Ils cherchaient n'importe quel argument..." La confrontation se termine brutalement : "Comme pour faire rire la cantonade, une fille du jury, me dit : "De toute façon, si vous étiez artiste, ça se saurait." J'ai pris ça comme un coup de poignard. C'était la négation de tout ce que j'avais tenté depuis toujours. Je suis rentré, et j'ai dit à ma femme : "On s'en va. Parce qu'ici, je ne peux rien faire.""
"J'ÉTAIS NI-NI. JE SUIS ET-ET"
Cet événement est donc la raison de son départ pour New York, où il vit depuis 2004 : "Quand j'étais en France, j'étais "ni-ni". Ni un chanteur, parce que je me réclamais du monde des arts visuels, ni pris au sérieux par ce monde. Je sais gré à la dame d'Amiens de sa méchanceté, qui m'a réveillé d'une espèce d'engourdissement. Je suis plus un peintre qui chante qu'un chanteur qui peint. Et à New York, du "ni-ni", je suis passé au "et-et"."
Peintre, et chanteur. Ses tableaux y plaisent et s'y vendent bien. Il conserve cependant des attaches en France, plusieurs projets d'édition de livres, notamment. Et croit bon de préciser : "J'insiste, je ne suis pas parti aigri, ou amer. J'ai juste constaté une situation, vu qu'autour de moi les copains se refermaient sur eux-mêmes, et que cette sclérose allait se reporter sur ma peinture. J'avais 48 ans, et encore l'énergie de réinventer quelque chose, de me reconstruire. Tout mon travail, depuis que je suis à New York, tourne autour de cette notion de reconstruction." Il sait simplement que, même à New York, sa double vie ne sera pas facile : "Je gagnerai lorsque je trouverai une grosse galerie qui aura les couilles d'assumer ce que je suis."
Son dernier album s'intitule New-Yor Coeur et débute par la chanson Même à Spielberg. Où il est dit : "Que tu sois le roi des rois ou une tête de pion, quand on te rejette, ça fait mal..." Difficile de ne pas y lire le souvenir d'un certain jury d'Amiens.
"CharlElie Couture, Acentmètresducentredumonde", Centre d'art contemporain, 3, avenue de Grande-Bretagne, Perpignan. Tél. : 04-68-34-14-35. Jusqu'au 14 septembre, de 15 heures à 19 heures. En concert le 8 août au festival Les Escales de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Tél. : 02-51-10-00-00. 11,7€
Harry Bellet Article paru dans l'édition du 03.08.08