J’ai déjà parlé à plusieurs reprises du prochain livre qui sera édité par Cousu Main intitulé Territoires de la folie. Il y est question de Louis Soutter et Robert Walser, artiste et écrivains suisses, qui ont tous les deux connu l’asile d’aliénés, l’un à Baillaigues et l’autre à Herisau.
Je lis l’ultime roman de Roberto Bolaño 2666. Là aussi il est question d’un asile d’aliénés en Suisse.
Ensuite il parla d’un voyage en train, (…) en direction de l’un des villages à mi-chemin entre Montreaux et les contreforts des Alpes bernoises où ils avaient loué un taxi qui les avait amené, par un sentier zigzagant, mais scrupuleusement asphalté, vers une maison de repos qui arborait le nom d’un homme politique ou d’un financier suisse de la fin du XIXe siècle, la clinique Auguste-Demarre, nom irréprochable derrière lequel se cachait un fort civilisé et discret asile d’aliénés.
Je n’ai trouvé ni banquier ni financier suisse s’appelant Auguste Demarre, juste un Jean François Auguste Demarre, Maire officier de l’état civil de la commune de Goult, département de Vaucluse, en 1863.
Je continue :
…là s’était enterré vivant un peintre que l’Italien tenait pour l’un des plus inquiétant du XXe siècle. (…) Le nom de ce peintre était Edwin Johns et il s’était coupé la main droite, la main avec laquelle il peignait , l’avait embaumée et l’avait collée sur une sorte d’autoportrait multiple.
Voici comment les choses s’étaient passées :
Un matin, après deux jours d’activité fébrile consacrée à ses autoportraits, le peintre s’était tranché la main avec laquelle il peignait. Immédiatement après il s’était fait un garrot au bras et avait apporté la main à un taxidermiste qu’il connaissait et qui était déjà au courant de la nature du nouveau travail qui l’attendait. Ensuite le peintre s’était dirigé vers un hôpital, où l’on mis fin à l’hémorragie et procéda à la suture de la plaie. À un certain moment, quelqu’un lui demanda comment était arrivé l’accident. Il répondit que sans le faire exprès, tandis qu’il travaillait, il s’était coupé la main d’un coup de machette. Les médecins lui demandèrent où était la main coupée, car il était toujours possible d’essayer de la greffer. Il dit qu’alors qu’il se rendait à l’hôpital, à la fois de colère et de douleur, il l’avait jetée dans le fleuve.
Cette histoire du personnage du roman de Bolaño m’a fait pensé à celle de l’artiste Pierre Pinoncelli dont on a entendu parler récemment lors de la libération d’Ingrid Betancourt. En effet,il est plus connu pour ses attaques contre l’urinoir de Duchamp à Nîmes au Carré d’Art en 1993 et au Centre Pompidou en 2006 que pour son acte fou, héroïque qu’il fit à Cali en juin 2002 en hommage à la franco-colombienne otage des FARC : il se trancha une phalange du petit doigt ( la photo ci-contre).
La ressemblance est troublante avec le Edwin Johns de 2666 mais s’arrête là. Pinoncelli ramassa le morceau de doigt une fois sur le sol, après le deuxième coup de hache (le premier ayant raté), “il ressemblait à un vers luisant” , il dessina avec lui un coeur sur sa poitrine avec le sang puis écrivit le mot FARC sur le mur qu’il entacha de sang.
Contrairement à Edwin Johns, Pinoncelli n’est pas interné ni en France, ni en Suisse, ni ailleurs.
envoyé par FatCat_Films