Il y a quelques années, je me posais des questions sur mon triste sort. J'eus donc la vivacité d'esprit de me tourner vers le paradis des désœuvrés, le hangar de la population passive : l'ANPE.
Il est toujours très surprenant d'avoir affaire à un conseiller ANPE. Soit celui-ci rayonne d'une énergie débordante, susceptible de redonner le goût de vivre à un cancéreux en phase terminale. Soit celui-là gère votre dossier comme un inspecteur d'académie proche de la retraite : blasé, il regarde votre dossier avec un grand recul, comme si vous n'étiez qu'un numéro Assédic.
Ce jour-là, je tombais sur une dépressive en puissance, beaucoup plus dépitée par son métier que moi par mon inactivité. En sortant du rendez-vous, j'étais gonflé à bloc ; ils allaient voir ce qu'ils allaient voir. J'allais leur en mettre plein la vue au prochain rendez-vous. Car, parfois, la relation qu'on a avec son ANPE est proche de la relation entre le patient et son analyste. On se dit qu'on va bientôt le quitter, et pourtant on lui montre point par point qu'on a progressé comme si on avait agi les jours précédents rien que pour lui en mettre plein la vue, et lui prouver ainsi qu'on avait encore besoin de ses services.
Bref, ce jour-là, après le rendez-vous, je piochais quelques prospectus inutiles quand me regard fut attiré par celui-ci :
Un tel dépliant, dans des mains peu scrupuleuses, donnerait lieu à une vive polémique. Car, manque de chance, ce jour-là, je ne trouvai que ce dépliant en langue étrangère. Et cela me posa question : où se trouvait la grande idée de l'intégration dans un tel prospectus ?
Les bonnes âmes m'auraient répondues que la France, pays des droits de l'homme, doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour intégrer les populations étrangères, quitte à leur traduire un dépliant ANPE pour leur permettre un accès facilité à l'information. Mon esprit dubitatif pesa l'argument : oui, mais pourquoi n'y avait-il pas le même prospectus en Danois, en Lituanien ou en Polonais, ne serait-ce que pour faciliter aussi l'intégration des Européens ? Un imprimé en Anglais aurait suffit pour faire taire mon mauvais esprit, gavé par les préceptes bobos.
Il n'était pourtant pas question de tomber dans le panneau de l'extrême, quand l'épicier Front National fait ses choux gras en dénonçant des aides données aux populations étrangères. Je trouvais juste exagéré ce dépliant. Car, dans le fond, c'est finalement le même pétrin pour tout le monde. Çà n'est pas facile de trouver un boulot. J'ai le privilège de bien parler la langue, contrairement aux migrants. Donc je ne devrais pas jouer l'outré devant ce privilège qui n'en est pas un. Car, je le savais, ce dépliant ne servait à rien ; il devait juste dire : l'ANPE est là pour vous aider. Dès le premier rendez-vous, je me suis rendu compte que l'ANPE ne ferait pas grand chose pour moi, à part écouter mes galères, me proposer une formation qui ne sert pas à grand chose, mais qui permettra au conseiller de me transférer dans une "nouvelle étape du parcours-emploi". En gros, on va à l'ANPE pour justifier le rôle des conseillers.
CQFD