Source : Michel Lepesant - https://decroissances.ouvaton.org/
Le présentisme
Il y a quelques années, Jérôme Baschet nous proposait de Défaire la tyrannie du présent. Sous le nom de "présentisme", il signalait qu'aujourd'hui l'échelle courte du temps - ce qu'il appelle régime de temporalité - avait phagocyté l'échelle longue du temps de l'histoire - ce qu'il appelle régime d'historicité. Autrement dit, aujourd'hui, le présent n'est même plus orienté vers un avenir (celui du Progrès) qu'il est tourné vers lui-même : « Le régime de temporalité phagocyte le régime d’historicité ». C'est ainsi que le présent est de plus en plus immédiat. Il est de plus en plus "instant" et de moins en moins "durée".«
L’avènement du présentisme peut alors être saisi comme le processus par
lequel le régime de temporalité qui caractérisait de longue date la
modernité renforce son emprise et, finalement, envahit le terrain laissé
vacant par la ruine progressive du régime d’historicité… Pour
caractériser un processus donné comme inéluctable, ce n’est plus la
marche de l’histoire que l’on invoque, mais l’imperturbable avancée du
temps horaire. Le temps mesuré et abstrait des horloges a bel et bien
cannibalisé le temps historique ».
Jérôme Baschet, Défaire la tyrannie du présent, Temporalités émergentes et futurs inédits, page 170.
Autrement
dit, alors que le régime moderne d’historicité faisait du présent un
temps orienté par le progrès en direction du futur, le régime
contemporain du présent produit un présent de plus en plus immédiat
(avec de moins en moins de passé retenu et de futur projeté) et soumis à
la rationalité de la « densification quantitative (hausse du rapport
Q/T) ». C’est dire qu’aujourd’hui, ce n’est plus la fable du Progrès qui
donne sens et direction à nos actions, c’est juste la rentabilité
obtenue dans les délais les plus infinitésimaux.
Michel Lepesant