Cristina Kirchner lors de sa comparution devant le TOF8 par Zoom
pendant sa déposition alors qu'elle demandait l'arrêt des poursuites
contre elle et le prononcé d'un non lieu.
Elle avait tenu à comparaître depuis son bureau du Sénat
avec les attributs institutionnels de son actuelle fonction autour d'elle
Il y a quelques semaines, un tribunal fédéral, le TOF 8 de son petit nom (1), reconnaissait qu'il n’y avait pas lieu de poursuivre l’ancienne présidente Cristina Kirchner, ses ex-ministres et ex-conseillers pour le projet d’accord qu’ils avaient négocié avec l’Iran pour que des juges argentins puissent se rendre à Téhéran pour y recueillir la déposition de deux personnalités iraniennes soupçonnées d’être les commanditaires de l’attentat contre l’AMIA, le plus gros attentat antisémite qui avait fait à Buenos Aires 85 morts et plus de 300 blessés, en juillet 1998, dans la très centrale rue Pasteur. Cristina Kirchner et ses co-accusés étaient poursuivis pour haute trahison (rien que cela !) à la suite d’un authentique procès d’intention : l’accord international aurait eu pour but inavoué de faire lever à Interpol les deux notices rouges (toujours en vigueur) qui pesait depuis des années sur les deux Iraniens à la demande de la justice argentine. Or le Congrès argentin avait ratifié l’accord, lequel n’est d’ailleurs jamais entré en vigueur puisque l’Iran ne l’a jamais ratifié
Devant l’arrêt de non lieu, le procureur avait aussitôt intenté un recours en cassation et c’est ce même procureur qui vient de se désister avec un argument juridique frappé au coin du bon sens (enfin !) : quand il vote, le Congrès ne peut pas commettre d’infraction à la loi. Cela tombe sous le sens puisque c’est pour voter que la constitution l’a institué. Il est donc assez curieux qu’il ait fallu attendre tout ce temps pour que le parquet s’en aperçoive. Force est de constater que l’affaire s’était envenimée pour des raisons de basse politique : immédiatement après la mort violente du procureur Alberto Nisman, aussitôt attribuée à un ordre secret de la présidente en place, la droite avait opportunément saisi l’occasion de cette accusation préparée par le défunt au cœur de l’été 2015 pour jeter toutes ses forces contre Cristina et tenter de la jeter en prison. Cristina a un certain charisme, comme Lula au Brésil, et la droite s’en méfie comme de la peste.
Après ce désistement du ministère public, il faudra encore que la Cour de cassation se réunisse pour examiner les conclusions des parties civiles (surtout les deux organisations confessionnelles traditionnellement à droite, la DAIA et la AMIA). Elles ont elles aussi présenté un recours contre ce non lieu. Cette audience devrait se tenir cette semaine.
Il n’en reste pas moins que l’argument du procureur, qui reprend l’un de ceux de la défense, est si fort qu’il serait pour le moins scandaleux que la justice poursuive dans cette voie délirante. Notons que le magistrat s’est désisté à la veille d’un scrutin qui semblait acquis à l’opposition, donc à un moment d’affaiblissement politique de l’ancienne présidente et de son camp. Un bon point pour la démocratie et l’indépendance grandissante de la justice qui semble progressivement abandonner la tradition partisane, les préjugés de classe et le machisme qui lui ont longtemps valu une méfiance certaine de la part de bon nombre de justiciables.
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour
aller plus loin :
lire l’entrefilet de La Prensalire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
(1) En France, on ne parlerait pas de "tribunal oral n° X", on parlerait de « chambre » et la numérotation se ferait à l’aide d’un adjectif numéral ordinal et non d’un nombre entier.