Une petite salle pleine d'énergie. 5 musiciens, une chanteuse. Une transmission, un partage délicieux et fort à la fois. Des émotions sur lesquelles on ne peut poser de mots. Sarab qui signifie " mirage " en arabe est un groupe qui mêle jazz, rock et musique traditionnelle orientale. Il fallait y penser. On comprend tout de suite, en les voyant sur scène, que c'était naturel, que pour eux c'était une évidence. Au premier abord ça peut paraître farfelu, inadéquat, mais d'abord, ce n'est qu'un mélange de musiques, de sonorités, et que ce soit à l'écoute live ou studio, on est emportés très vite.
Le groupe s'est formé en 2018, trois ans, trois ans ! Pour sortir deux albums pleins de sens et de beauté et d'humanité. Le plus récent, Arwah Hurra qui pourrait être traduit par " Ames libres " est sorti en ce mois de novembre 2021. Un petit bijou. Des thèmes puissants, parfaitement retranscrits en musique, magnifiquement interprétés, sans prétention, modestement mais justement, pendant le concert ayant eu lieu au Pan Piper dans le 11 ème arrondissement, au détour d'une impasse insoupçonnée, rendant le tout à la fois secret et presque irréel. Les sujets abordés peuvent plaire mais sont également rempli d'une conscience lourde et importante, cruciale qui fait honneur à l'esprit de la culture arabe et du Moyen-Orient qui peut être aussi séduisante que chargée de douleur. Les migrants qui meurent en méditerranée, la guerre, le souffle d'une culture maltraitée pendant des années de colonisation, mais aussi, la splendeur d'un temps où ces sociétés arabes et orientales était toutes puissantes et au summum de leur ampleur, surtout culturellement parlant. Ces sujets sont exprimés d'un point de vue on ne peut plus intime et concerné, puisque Climène Zarkan (pour ne citer qu'elle), la chanteuse, la porteuse de voix principale de Sarab, est franco-syrienne. Elle transcrit son amour pour ce pays de la meilleure des façons qui soit. On voit bien que le groupe entier connaît et aime ces cultures arabes sans forcément qu'elle soit la leur individuellement.
De plus il me semble que la musique arabe en France, bien qu'elle soit présente, devrait avoir toute sa place et prendre toute sa grandeur, pourtant elle paraît freinée. On ne peut pas dire que ce soit un genre très répandu. J'ai l'impression, bien que ça n'engage que moi, que c'est un genre pudiquement écouté dans les foyers franco-arabes, et peu à l'extérieur, dehors, sur scène. Bien sur il y a Idir et quelques autres, mais qui peut avancer que la musique arabe traditionnelle est jouée sur scène autant qu'elle est écoutée, écoutée par des arabes, ou des français, ou par tout ceux a qui ça plait. Beaucoup d'artistes rap sont maghrébins d'origine ou de naissance, mais c'est encore autre chose. Cette musique si précieuse, de Syrie, de Turquie, d'Algérie, du Maroc ou d'où sais-je encore mérite une place plus grande que celle qui lui est accordée ici. Notamment par ce qu'elle porte comme héritage, mais aussi tout simplement parce qu'elle est belle et profonde.
C'est pourquoi Sarab est un groupe qui m'a touchée et émue, et plus directement, qui m'a plu. J'aime ces cultures, cette musique, Müslüm Gürses grand chanteur turc, Oum Kalthoum, Cheb Hasni, Amar Diab, sont quelques exemples de la beauté de l'Orient et du Maghreb, d'aujourd'hui et d'autrefois, le Liban, la Syrie, l'Egypte et tous les autres, à la fois semblables et uniques un par un. C'est ce que je retrouve dans Sarab, et c'est ce que je vous souhaite de découvrir ou redécouvrir. La beauté et l'amour de la musique.
Ils sont aussi bons en live qu'en version studio, allez les voir, vous n'en reviendrez peut-être pas de si tôt !