Comment éviter que la décroissance ne sombre dans une forme d'utopie néfaste comme celles que nous avons déjà connu (nazisme, stalinisme,...) ? Comment ouvrir la voie de la raison au lieu de la loi du plus fort ? Qu'est réellement que l'utopie ? Est ce viable ?
Voilà les questions posées (et réponses apportées) dans le quatrième volume de la revue Entropia, toujours aussi indispensable.
Résumer des auteurs :
Rouvrir le dossier de l’utopie dans la revue d’étude théorique et politique de la décroissance était à la fois inévitable et risqué. Inévitable, tant le mot d’utopie est celui qui saute à l’esprit quand on parle de décroissance face à une opinion publique droguée par la croissance économique à tout prix. Risqué, car l’appréciation commune vis-à-vis de tout ce qui pourrait, de près ou de loin, s’apparenter aux « utopies assassines » du siècle précédent est une aversion plus que justifiée.
Peut-il y avoir de pensée libre sans risques ? L’utopie, il y a tant d’interprétations possibles de son sens et de sa fonction. Les auteurs des textes rassemblés ici ne cachent pas les ambiguïtés et les oppositions de conceptions que ce seul mot leur inspire.
Pour ceux qui l’assimilent au rêve et au projet social et politique d’émancipation humaine, l’utopie est un horizon qui s’éloigne quand on l’approche, mais qui sert à avancer, pour peu que l’on se garde des tentations totalitaires dont elle pourrait accoucher. Pour certains, ces attirances désastreuses sont inévitables et l’idée de décroissance doit abandonner l’horizon utopique pour investir le réel en acceptant les limites humaines, d’autant plus que ce tropisme ne serait pas partagé par toutes les sociétés et correspondrait à une occidentalisation du monde à l’œuvre depuis l’invention du monothéisme… Pour d’autres enfin, s’il est encore loisible de stimuler son imaginaire chez Thomas More, Rabelais, Fourier ou d’autres encore, l’impérieux défi de notre temps est ailleurs. Face à l’inimaginable pressenti dans ce qui s’annonce pour la planète et ses habitants, n’est-il pas de refuser, d’abord, toute fatalité, puis d’être attentif, sinon de participer, aux frémissements perceptibles d’un retournement possible de perspective théorique et politique dont l’imaginaire de la décroissance serait porteur désormais ? Refuser la vie mutilée, l’injustice grandissante et le désert qui croît, n’est pas une utopie.