Ostende, le 8 avril 1950
Hello Jacques,
Dans cette pouponnière, je trouve des enfants dans tous les coins. L'heure des repas, une concentration se produit aux abords de la salle à manger. Au centre de ces escadrons en effervescence, ma mère, une tante, les soucis en oblique, leurs yeux foudroyants crient des brides de conversation que seuls les enfants n'entendent pas. Trois familles de 5 enfants en bas âge, trois autres familles de 3 ou 2 enfants. J'apprécie ces dîners, une atmosphère gaie et vivante entoure nos repas. Je ne voudrais pas manquer cela pour rien au monde.
Contrairement au reste du pays, un soleil magnifique et de la chaleur agrémentent notre séjour.
Ces deux soirs, j'ai visionné deux film de cow-boy au cinéma. C'était épatant, rien de tel pour s'amuser, il se peut que j'y aille tous les soirs.
Je te souffle peu de mots sur la mer. Elle immerge au fond de mon coeur. Je vis dans ses vents, je la regarde, je l'observe. Ses vagues s'enroulent, calme, carpette à franche d'écume. Agitée, elle grince et monte à l'assaut de la digue.
Ce matin, je regardais les pêcheurs sur l'estacade. Un promeneur préoccupé, la force des vents pousse son couvre chef. Celui en profite pour s'échapper et se mouvoir librement. Suivi des yeux par une balustrade garnie de curieux et de plaisants, il finit sa course telle une coquille de noix sur cette mer. L'homme, le coeur plein d'inquiétude dut dire adieu à son chapeau.
Aujourd'hui, du vent et encore du vent, il peut faire tenir un papier contre un mur. Pour avancer tranquillement sur cette digue, il faut être deux. Toute seule, je me sens fragile. Je serai plus tranquille dans un coin abrité.
Chérie
Lili
J'espère que tu auras une permission pendant ces quelques jours.