Vous êtes entrée chez moi

Par Vertuchou

Vous êtes entrée chez moi, brutalement, comme une voleuse. Vous n’y avez laissé qu’un grand amour, un vide, une douleur. Je n’en ai pas été surpris, tout m’y préparait. J’ai souffert de crises morales trop violentes, trop fortes, depuis quelques années, surtout deux ans, qu’il fallait logiquement que cela vînt à finir, d’une façon ou d’une autre. L’autre, j’en ai peur, aurait été terrible. Il me fallait la Vie, ou la Fin. La Vie, Simone, c’est Vous. Vous l’êtes dans toute sa fraîcheur, sa pureté, et un peu, dans son désenchantement, parce que vous possédez, à un degré très rare, la conscience imminente des choses qui passent. Et cela me fait vous aimer d’autant plus, puisque cela me rapproche de vous. Vous avez la perception douloureuse de la vie, avant même d’avoir vécu.

Alain Grandbois,  Lettre à Simone Routier, 10 août 1920.

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