Tout au long de son histoire, Microsoft a développé un seul vrai talent, consistant à reproduire les innovations d'acteurs moins puissants et à les mettre à la portée des grands groupes, qui représentent une clientèle captive (et consentante). Cependant, quand Mark Zuckerberg commence à vouloir sérieusement (?) empiéter sur ses plates-bandes, après une première tentative ratée autour du réseau social d'entreprise, le danger prend une autre dimension, car il s'agit cette fois d'une bataille de géants.
Il n'est donc pas surprenant que la réplique aux ambitions de domination du métavers entraîne une réponse immédiate. Malheureusement, elle paraît totalement ridicule, puisque la seule annonce concrète à ce stade sera la possibilité pour les participants aux visioconférences sur Teams de se présenter sous l'apparence d'un avatar personnalisé, animé en synchronisation avec les paroles prononcées, en plus des options existantes d'image fixe ou de flux vidéo. Qui croit que la collaboration s'en trouvera améliorée ?
Pour aller plus loin, il faudra attendre. Certes, les promesses sont mirifiques et dépassent largement les démonstrations actuelles de Facebook. En effet, avec sa future solution Mesh for Teams, Microsoft veut combiner au sein d'une même solution le concept d'univers virtuel, que chaque organisation pourra concevoir et aménager à sa guise, dans lequel les avatars des employés évoluent librement, avec les possibilités d'interactions en réalité augmentée (ou mixte), par l'intermédiaire de pseudo-hologrammes.
Les démonstrations initiales sont envisagées pour le premier semestre de l'année prochaine et aucune date n'est évoquée pour le déploiement, ce qui révèle une prudence inaccoutumée de la part de l'éditeur. Le flou n'a toutefois rien de surprenant, puisque, d'une part, l'objectif prioritaire est aujourd'hui de maintenir le statu quo vis-à-vis de la concurrence montante, y compris sur le dossier de la visioconférence en 3D, et, d'autre part, les progrès de la technologie Hololens sous-jacente semblent un peu poussifs.
Derrière ces escarmouches de marketing, il convient également de s'interroger sur la validité de la démarche engagée. Car, si ses prémisses sont incontestables, en particulier en ce qui concerne les limitations des outils de collaboration à distance, exacerbées par les usages continus depuis le début de la crise sanitaire, rien ne laisse entrevoir, en l'état courant de nos connaissances, que l'immersion dans un métavers offre une meilleure qualité relationnelle, surtout avec un casque sur la tête et devant les yeux.
Par ailleurs, comme le souligne Mark Raskino (Gartner), les perspectives d'introduction des métavers dans l'environnement professionnel restent aussi lointaines qu'incertaines. Un de ses arguments les plus convaincants est la très faible adoption par le grand public, y compris chez les adeptes des jeux vidéo, alors que, depuis (au moins) 20 ans, les ruptures technologiques sont toujours portées par les consommateurs avant les entreprises, ce qui, évidemment, constitue une faiblesse pour la stratégie de Microsoft.