Petit panorama de l’évolution, au long du XXème siècle, de cette image culte, typiquement américaine.
Avant-propos théorique
Graphiquement et métaphoriquement, le flingue se prête à la représentation de profil, qui met l’objet en valeur comme prolongement viril du corps féminin.
Les premières images qui se risquent à placer la tireuse de face vont miser sur l’intérêt dramatique (le spectateur en ligne de mire) et le frisson du regard tueur. En contrepartie, le pistolet est minuscule, peu visible, et son caractère phallique disparaît au profit d’un orifice anatomiquement flottant et métaphoriquement inconfortable (troisième oeil, troisième sein crachant du plomb au lieu de lait ?)
Cette photo promotionnelle peut être considérée mensongère, puisque la scène ne figure pas dans le film. Sans doute la double métaphore (yeux-revolvers-tétons) était-elle trop perturbante pour le grand public de l’époque.
Le même de la tireuse de face est intéressant parce qu’il ne va pas de soi : il nécessite un apprentissage de l’oeil.
Vingt cinq ans plus tard, l’image est en plein boom : dans des circonstances que je n’ai pas pu retrouver, un photographe fait prendre à la jeune Nathalie Wood la même pose, devenue presque conventionnelle.
Encore vingt ans plus tard, ce magazine déshabillé réinventera la posture, pour suggérer ce que la dentelle censure.
Le flingue utile : 1917-1950
Couvertures de The Ladies World, par Clarence F. Underwood
En Août, ce mensuel féminin ose une couverture détonante par rapport à ses centres d’intérêt habituels : alors que les tout premiers soldats arrivent en France, la Femme américaine est invitée à remplacer son miroir par un flingue et, à défaut de tirer par delà l’Atlantique, à rejoindre « My America » League, un mouvement d’entraide créé par le journal lui-même.
Impensable du temps de l’image idéalisée de la Femme, le même de la flingueuse trouve, dans l’immédiate après-guerre, son point d’émergence naturel au sein « des vastes régions inconnues de l’Ouest ».
On notera comment l’image redessinée accentue, par rapport à la photographie, la frontalité du canon : il ne s’agit pas de laisser supposer que l’héroïne tire de travers.
Revolvers de championnes contre fusils pour frimer : le sourire signifie à gauche « je tire mieux qu’un homme », à droite « je joue à la garçonne ».
Quelle est à votre avis la différence majeure entre ces deux images-choc ?
La première est devenue une icône féministe, pas l’autre.
1941, Frances Farmer (Calamity Jane) dans « Badlands of Dakota »
La scène figure effectivement dans le western, mais pas en tir de face comme sur la photo : Calamity Jane tire en biais sur le Peau-Rouge qui vient de faire irruption par la gauche ; peu visible dans cette position le pistolet est mise en évidence par son ombre sur la porte [1].
Les femmes de l’Ouest douées pour le tir reviennent périodiquement sur les écrans.
La production ce ces westerns de qualité très inégale s’emballe au début des années 50, avant de s’épuiser.
Passé l’âge d’or, ce n’est plus l’adresse et l’audace qui motivent la flingueuse, mais la vengeance : mécontentes d’avoir été violées, Raquel Welsh apprend à tirer en maillot de bain, tandis que Sondra Currie garde son jean.
Le flingue sexy : 1945-55
La cowgirl en minijupe, avec son flingue pour rire, devient un des standards du burlesque.
Candy Barr, vers 1956
La stripteaseuse Candy Barr excelle dans cette parodie…
…que reprennent des anonymes, plus ou moins déshabillées.
En 1960, la charge érotique s’est suffisamment éventée pour que l’image de la cowgirl, devenue anodine, soit récupérée dans une publicité pour soutien-gorge.
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