UNE MEMOIRE
Artiste de renom, l’histoire retient plus de lui l’image d’un infatigable sourcier et d’un incomparable archiviste de la musique populaire américaine en général et du folklore du monde en particulier. Il tint sa vocation de son père John Lomax, lui aussi, musicologue et folkloriste. Il débuta sa mission de collectionneur aux côtés de ce dernier dans les années 30, fondant son travail sur un présupposé inébranlable, à savoir : que tous les chants populaires ou folkloriques d’Amérique ou d’ailleurs font partie du patrimoine culturel de l’humanité. Bravant les interdits à caractère ségrégationniste, il recueillit et rendit publics les chefs d’œuvres méconnus du Sud des Etats-Unis.
Il parcourut toute l’Amérique, armé de son magnétophone dans de différentes circonstances, lieux et auprès de tout dépositaire de tradition musicale folklorique ou populaire. Il entreprit des démarches dans les églises, les prisons et dans les plantations et il s’approcha des membres de différentes communautés : vieux sages, orateurs de veillées, prédicateurs, boutiquiers, pères et mères de famille, ouvriers agricoles, prisonniers, repris de justice, célébrités locales, guitaristes, chanteurs, etc.
Et il prouva magistralement que les chants de noirs du Sud jouèrent un rôle non négligeable dans la naissance des styles musicaux propres aux Etats-Unis.
Il prit part dans les travaux de défrichage, de transcription et d’archivage des chants de paysans et d’ouvriers qui font état des conditions de vie et de luttes syndicales.
Il effectua les voyageurs en qualité de collectionneur folkloriste et musicologue en Amérique latine, dans les îles et dans certains pays africains.
Alan Lomax est, de ce fait, un précurseur et, de surcroît, savant. En effet, il ne pouvait restituer ces chants dans leur contexte ni établir leur authenticité sans disposer au préalable des connaissances d’ethnologie, de critique historique et géographie.
En tant qu’archiviste, Alan Lomax remplit le devoir de mémoire et il sauvegarda ainsi le patrimoine culturel de l’oubli. Il donna une présence, fit reconnaître la créativité et restitua la parole aux sans voix. « Le plus croyable – écrivit-il – c’est que quand on faisait écouter les enregistrements aux musiciens, ça changeait tout pour eux. Ils réalisaient que leur musique et eux-mêmes étaient bons que n’importe qui. J’ai compris que le fond de mon travail était de permettre à ces gens de s’exprimer, de donner leur version de l’histoire » - Noël Balen, Histoire du Negro-spirituals et du Gospel. De l’exode à la résurrection, p.115
Alan Lomax accomplit sa vocation d’une façon remarquable. Il entra dans l’histoire comme un musicologue et un folkloriste sérieux, un homme aux convictions humanistes….
Joseph Anganda
Animateur radio