Sujet : Au cours de vos vacances, vous avez assisté à un spectacle qui vous a marqué (feu d’artifice de Rogny les Sept Ecluses, Son et Lumière de Saint Fargeau, Festival Aux Z’Arbs d’Auxerre, Nuits Musicales de Bazoches …). Racontez.
Je ne la manque pas. L’accueil est rustique, mais aimable. Contre les quatre euros obligés, le bénévole préposé à la vente des billets remet aux spectateurs un coupon détaché d’un carnet à souche et dûment frappé du tampon du Foyer Rural. Deux mètres plus loin, son aide, distribue le programme détaillé des festivités et veille sur l’ouverture et la fermeture des portes. La salle est plus qu’aux trois quarts pleine, je m’installe donc là où il reste des places libres, c’est-à-dire au fond, derrière la régie, l’unique projecteur et le technicien d’AMS qui ne s’attendait manifestement pas à une telle affluence. La tête de l’ingénieur du son-éclairagiste et le support du projecteur me cachent une partie de la scène (pour l’instant masquée par un rideau). Je supporte ce léger inconvénient avec philosophie : il suffit de se pencher légèrement à droite ou à gauche pour retrouver une vision d’ensemble.
Entrent encore quelques retardataires : locaux qui se hâtent de rejoindre des places gardées pour eux par des parents ou des amis et touristes, avec ou sans enfants relégués, comme moi, dans les derniers rangs. L’ultime spectatrice est accompagnée de son chien, un prétendu caniche. Comme sa maîtresse, il est d’âge canonique et s’installe sans protester sous la chaise où elle a pris place.
Les lumières s’éteignent, seuls brillent encore les sécuritaires et obligatoires blocs indiquant la sortie de secours. Trois minutes de brouhaha et le rideau s’entrebâille. Dans le feu du projecteur, paraît l’initiateur du spectacle (Roger Bithonneau ?). Quelques mots de présentation permettent à tous ceux, nombreux, qui ne sont pas familiers de la vie et de l’œuvre de Loti Pierre, d’apprendre, qu’héritier d’une longue lignée d’Oléronnais(es), l’auteur de Mon Frère Yves, a voulu être enterré dans l’île. Cet attachement lui vaut l’hommage de ce soir : « Louons aujourd’hui nos grands hommes ! » se récite intérieurement Chambolle qui attend la suite avec impatience.
Elle ne tarde pas. Le temps pour le présentateur de regagner derrière le rideau son pupitre d’accordéoniste et d’y plaquer trois accords et la douzaine d’adhérents de la section danse des Mareyants fait son entrée dans la salle par la porte du fond. L’accordéon joue un air de farandole sur lequel les danseurs passent entre les spectateurs en sautillant. Vivats du public séduit par l’entrain de cette première prestation; comme tout le monde (sauf le caniche et le technicien d’AMS cramponné à ses boutons et à son projecteur) je tape dans mes mains en essayant de rester à peu près en mesure. Costumes classiques : les hommes portent le chapeau noir à coiffe cylindrique et large bord, le gilet brodé sur la chemise blanche et le pantalon rayé, les femmes ont des corsages, des jupes longues ornées de l’indispensable tablier blanc bordé de dentelles et des coiffes à longs rubans, bref la tenue de gala des paysans telle qu’idéalisée par les folkloristes du XIX° siècle.
Brève traversée des coulisses et les danseurs exécutent dans l’ordre et l’enthousiasme « le rigodon d’entrée », « La comtesse de Bourneu » et « la galette ». Ceux qui se demanderaient quel est le rapport avec l’académicien dont on célèbre ce soir la mémoire, seront heureux de savoir qu’il appréciait les fêtes saintongeaises. Le sarcastique Chambolle constate que, comme partout en France, la Bretagne exceptée où la jeunesse n’a pas déserté les groupes folkloriques, la moyenne d’âge est plutôt élevée. Comme d’habitude, les hommes n’étant pas assez nombreux, deux femmes ont revêtu le costume masculin qu’elles portent avec l’aisance que donne l’habitude.
Un dernier accord et c’est au tour de la chorale. Là aussi, l’âge d’or et l’élément féminin dominent.Tout le monde, sauf les danseurs qui ont rejoint discrètement leurs pupitres respectifs, porte le maillot à rayures des matelots (de la Marine Nationale, proximité de Rochefort oblige). A l’accordéon, l’indispensable Roger et, à la direction, Céline Delavault, de loin la plus jeune des personnes présentes sur scène. Consciente des possibilités de ses choristes, la chèfe, se limite à des unissons agrémentés de brefs moments polyphoniques. Excepté les deux premiers airs qui appartiennent à un folklore local et récent, toutes les chansons sont tirées du fonds commun que les plus de cinquante ans qui forment la majorité des spectateurs ne peuvent pas ignorer.
Danse, chant, déclamation, texte de liaison et on recommence. La mise en scène est placée sous le double signe de la régularité et de la simplicité. Le micro du récitant Jean-Luc Macé est placé côté jardin, celui des musicos côté cour. Entre les deux, la chorale occupe la totalité de l’espace sauf l’avant scène réservée à la chorégraphie. Pour donner une touche de couleur locale aux divers moments du spectacle, les chanteurs sont munis d’accessoires : un suroît pour la partie Pêcheurs d’Islande, un Fez à pompon pour le moment Turc, des ombrelles de papier pour évoquer Madame Chrysanthème et des bérets rouges quand on en arrive au Pays Basque.
Conquis d’avance, le public manifeste son enthousiasme avec une vigueur qui croît tout au long de la séance et trouve son apothéose lors de la standinnegue ovachieunne finale (même le caniche se lève). Je fais comme tout le monde et j’acclame danseurs, chanteurs, musiciens, récitants, chef de chœur et éclairagiste, avec autant de vigueur que le reste de la salle Ces Douaniers Rousseau du spectacle ont su être frais sans être ridicules, naïfs sans être niais et touchants sans être pleurnichards. Loué soit le Foyer Rural de Saint Denis d’Oléron ! Endemol n’a pas complètement lobotomisé les cerveaux : il y a encore de VRAIS amateurs.
Chambolle