La séquence est culte. Une jeune femme seule (Drew Barrymore) dans une grande maison, des pop-corn en train de gonfler sur la plaque de cuisson, des coups de téléphone.
Et une question, comme l'annonce du programme à venir : " quel est ton film d'horreur préféré ? "
Si ce n'est certainement pas Scream, le film de Wes Craven - renouveau du slasher à tendances méta et rigolarde, qui s'amuse avec et se joue des codes d'un genre gravés dans le marbre de ce bloc de pure terreur qu'est Micheal Myers dans l' Halloween de Carpenter - mérite une place dans un classement de, disons, vingt films.
Dont acte, en cette période d'Halloween, qui donne envie à tout le monde (du moins ceux bercés et formatés par le soft power américain) de voir des films d'horreur.
#20 : Freddy sort de la nuit (1994)
7ème film de la saga du grand brulé griffu qui hante les rêves de ses victimes, c'est seulement le second film réalisé par son créateur original, Wes Craven, qui reprend ici la main sur sa créature après une dizaine d'années de perdition (malgré quelques légères fulgurances, et sa participation au scripte du 3ème).
L'intérêt du film, c'est évidemment la manière qu'il a de creuser plus encore la veine méta du cinéma de Craven, en plaçant l'intrigue au coeur du tournage d'un nouveau film Freddy. Craven met alors en scène la frontière poreuse entre les illusions d'un plateau de tournage et les rêves/cauchemars desquels elles découlent. Ce qui en fait un film passionnant sur la création, la terreur de ne pas aboutir et l'impact d'une oeuvre sur ceux qui la reçoivent.
#19 : Scream (1996)
En 1996, renouveler le genre déjà bien éprouvé du slasher relevait déjà de la gageure. Wes Craven, un petit malin qui a bien compris et digéré les codes, les restitue dans Scream avec un enthousiasme et un sens subtil du détournement qui lui font accoucher d'un nouveau classique, copieusement imité par la suite.
#18 : Maniac (1980)
William Lustig est un cinéaste du glauque, du poisseux. Alors quand il investit le genre du slasher, ce n'est pas pour en faire un confortable grand huit à jumpscares. Avec Maniac, il préfère révulser face à ce tueur pitoyable et implacable, déréglé par une mère abusive qu'il tente de recréer en scalpant ses victimes. Dans ce New York des années 80 où tout est crade, des rues jusqu'au grain de l'image, le personnage de Joe Spinell est comme une éponge qui absorbe toute la pourriture de son environnement. Raconté de son point de vue, le film ne nous épargne rien. Et c'est un choc.
#17 : Ring (1998)
Le seul film japonais de la liste, et pourtant leur cinéma en connait un rayon sur la terreur. De la difficulté de restreindre ses choix... mais le chef-d'oeuvre de Hideo Nakata est bien sûr ce sommet de terreur qui engrangea nombre de copycats, de suites/remakes et de parodies. Et nous laisse encore tremblants à la simple idée d'une bande vidéo qui saute sur l'image d'un puits et d'une VHS interdite qui se refile sous le manteau. Puissant.
#16 : Sleepy Hollow (1999)
Hommage aux films de la Hammer, adaptation d'une nouvelle de Washington Irving ; Sleepy Hollow de Tim Burton est un conte gothique qui fait couler le sang bien rouge, en contraste avec la photographie presque monochrome de l'image. Tout est délicieux dans ce film, de la terreur provoquée par un monstre qui décapite à la hache, à l'enquête pleine de chausses-trapes au coeur d'une petite communauté hollandaise, jusqu'au duo Johnny Depp-Christina Ricci, charismatiques comme des stars du muet. Et évidemment Christopher Walken, idéal en monstre barbare sorti des enfers. Une apogée stylistique du cinéaste.
#15 : Le Village (2004)
Injustement conspué, encore aujourd'hui, que ce soit par les admirateurs de Shyamalan ou par ses contempteurs, j'affirme pour ma part qu'il s'agit de mon préféré du cinéaste. Peut-être que la révélation - qui arrive, dans mon souvenir, en milieu de film - en frustra plus d'un, alors que le cinéaste nous avait jusque là habitué à des constructions narratives basées sur un retournement final qui éclaire tout le reste du film, il lui permet pourtant de s'éloigner d'une mécanique programmatique pour servir son propos sur les sociétés en vase clos, la manipulation des masses par des systèmes comme la tradition ou la religion et, presque en catimini, lui permet de délivrer un magnifique mélodrame servi par un excellent casting. Une mention pour la musique, magnifique, de James Newton Howard.
#14 : Midsommar (2019)
J'aurais pu tout aussi bien inclure The Wicker Man, dont il s'inspire. Mais le cinéma d'Ari Aster me fascine, cette horreur à combustion lente, traversée de chocs fulgurants entre de longues séquences de malaise agit sur moi comme un psychotrope. Son Midsommar en constitue déjà un sommet, un tour de force puisqu'il se déroule presqu'exclusivement en plein jour.
#13 : Terreur sur la ligne (1979)
Dans sa séquence d'ouverture, le tueur de Scream demande à sa pauvre jeune victime quel est son film d'horreur préféré. Nul doute que le sien est Terreur sur la ligne de Fred Walton. Une babysitter seule dans une grande maison d'une banlieue américaine, les enfants au lit à l'étage, et des coups de téléphone d'un anonyme qui lui demande d'aller voir les enfants dormir. Une séquence longue d'une vingtaine de minutes, l'angoisse qui monte, jusqu'à cette peur primaire de l'intrusion en pleine nuit, qui s'interrompt brutalement sur un choc propre à dérégler un pacemaker. Certes, après cette ouverture, il faut supporter à peu près 45 minutes d'une enquête tout ce qu'il y a de plus classique, pas excitante pour un sou, assez pataude dans sa mise en scène. Mais on aura bien fait d'attendre, puisque tout n'était que prétexte aux vingt dernières minutes, sur le même mode que l'ouverture, mais ré-agencé pour de nouveau coller une frousse intense et surprendre son spectateur. Et pour moi qui trouve qu'il n'y a rien de plus terrifiant que le mal ordinaire, qui n'est pas surnaturel, je suis cueilli.
#12 : Appel sur la ligne (1993)
En 1993 Fred Walton décide de donner une suite à Terreur sur la ligne, sous la forme d'un téléfilm diffusé pour la première fois sur la chaîne Showtime. Il reprend la recette du premier, en allant plus loin et en jouant sur les perceptions de son héroïne, trompée par le talent particulier du tueur. Il renoue ainsi avec la pure terreur du premier, qui instille encore une fois l'idée terrifiante que l'on ne peut être en sécurité chez soi. Mieux tenu que l'original, notamment parce que l'enquête au milieu est plus intéressante à suivre, on pourra lui reprocher de ne pas varier sa recette. Pourtant il réussit à surprendre encore une fois, et comme il est plus affirmé dans sa mise en scène, le film se place au dessus du premier épisode.
#11 : Phenomena (1985)
En 1985 Dario Argento, qui s'était détaché du giallo pour entrer dans l'horreur fantastique voire onirique de Suspiria et Inferno, décide d'allier ces deux composantes de son cinéma avec le superbe Phenomena. Comme dans Suspiria il y est question d'une jeune fille (Jennifer Connelly tout droit sortie d' Il était une fois en Amérique, du collègue et compatriote d'Argento, Sergio Leone) en pension confrontée au surnaturel (son pouvoir de communication avec les insectes), mais cette fois avec un tueur qui rode, comme dans tout bon giallo. L'alchimie est parfaite, d'autant qu'Argento abandonne les couleurs esthétisantes au profit des paysages tantôt glacés tantôt verdoyants de la Suisse. On retrouve sa femme, l'excellente Daria Nicolodi, et Donald Pleasence, le Dr Sam Loomis d' Halloween, en entomologiste handicapé. Grand film, encore une fois.
#10 : Hérédité (2018)
Plus encore que dans son Midsommar, c'est avec Hérédité, son premier long-métrage, qu'Ari Aster, redéfinit l'approche esthétique de ce que l'on appelle maintenant " l'elevated horror ". La mise en scène très précise, très composée, qui laisse affleurer le surnaturel pour rendre trouble le drame familial, jusqu'au délire final, une terreur en apesanteur. On peut détester cet esprit de sérieux, cette atmosphère plombante, cette mise en scène ultra cadrée... Moi j'adore.
#9 : Halloween (1978)
S'il n'est certainement pas le premier slasher à sortir sur les écrans, Halloween : la nuit des masques de John Carpenter en constitue sûrement un certain achèvement. Une date dans l'histoire du genre, une perfection des codes qui suscitera un nombre incroyable de copies et détournements. S'il existe une version longue qui rajoute des séquences d'explications psychologiques sur le comportement de Michael Myers, il vaut mieux s'en tenir à la version cinéma, qui le présente comme une force maléfique pure, le couteau de Psychose et le masque des Yeux sans visage, un croque-mitaine increvable qui est partout, qui vous trouvera où que vous soyez. L'avènement d'un genre, scandé par cette petite musique au piano inoubliable.
#8 : Les Yeux sans visage (1960)
Un chirurgien tente de réparer le visage de sa fille, défigurée après un accident de voiture. Il pense avoir trouvé un procédé révolutionnaire, qui nécessite tout de même le prélèvement du visage entier de patientes non consentantes pour réussir. Avec ce pitch, on se sent presque en terrain Hammerien, le romantisme gothique du savant fou qui cherche à reconstruire l'être aimé mais qui accouche de créatures monstrueuses. Sauf que chez George Franju, tout est très dépouillé, presque rationnel, avec ce qu'il faut d'étrangeté pour suggérer le fantastique. À l'image de ce fameux masque, qui fait ressembler le personnage d'Edith Scob à un spectre, déambulant dans un château. Et puis il y a cette séquence d'opération, qui visiblement fonctionne toujours aussi bien aujourd'hui, puisqu'exécutée de la manière la plus clinique qui soit, dans un noir et blanc qui fonctionne à plein sur l'imagination. Un sommet.
#7 : The Thing (1982)
S'il se déploie dans un cadre de science-fiction, The Thing n'en est pas moins un film d'horreur, une terrifiante adaptation d'un roman de John W. Campbell, La Chose, déjà adapté en 1951 par Howard Hawks (les personnages d' Halloween du même Carpenter, en 78, regardent le film à la télévision). De sa créature polymorphe jusqu'à son ambiance intense de paranoïa en plein blizzard, Carpenter est au sommet de sa forme, bien aidé par les effets incroyablement dégueulasses de Rob Bottin. S'ajoute à cela la musique d'Ennio Morricone, et ce sont tous les ingrédients d'un authentique chef-d'oeuvre.
#6 : Alien, le huitième passager (1979)
Longue gestation du scénario de Dan O'Bannon qui erre un peu jusqu'à la rencontre, sur l'adaptation avortée de Dune par Jorodowski, avec l'artiste H.R. Giger ; intervention d'un autre scénariste, puis repris en main par deux autres et valse des réalisateurs... Quand Ridley Scott arrive, fort de son film Les Duellistes qui a impressionné pas mal de monde, le projet Alien a déjà considérablement muté. Le cinéaste apporte son oeil aiguisé, en développant lui-même un storyboard, puisqu'il sait très bien dessiner. O'Bannon lui fait découvrir les travaux de Giger, et Scott se passionne pour son tableau Necronom IV, ce qui scelle le destin de la créature. Une autre idée de Scott, c'est de ne pas la dévoiler tout de suite, mais de la cacher dans son environnement, et de l'exposer petit à petit. Le résultat : un chef-d'oeuvre de l'épouvante en milieu spatial, une matrice inépuisable. Quand il y reviendra, Ridley Scott aura l'excellente idée de proposer une autre manière d'explorer cet univers de science-fiction, avec des thématiques qui lui sont propres. Ce qui malheureusement perdra son public, qui ne réclamait de lui qu'un nouveau survival, alors qu'il en avait déjà donné la plus parfaite représentation avec ce film en 1979.
#5 : L'Au-delà (1981)
Lucio Fulci est, avec Mario Bava et Dario Argento, l'un des grands maîtres italiens de l'horreur, du macabre. Son film L'Enfer des Zombies en 1979 est déjà un sommet gore et poisseux. Avec L'Au-Delà, il signe un trip macabre, quasi Lovecraftien, qui se fiche pas mal de l'histoire racontée mais qui n'existe que pour les images incroyables qu'il va convoquer. Le film est gore jusqu'au grand-guignol, mais aussi poétique, avec constamment une idée de l'étrange, du bizarre qu'il retranscrit dans son atmosphère et qui laisse poindre une terreur sourde. Jusqu'au final hallucinant. À voir absolument, avec le coeur bien accroché.
#4 : Massacre à la tronçonneuse (1974)
Le deuxième long-métrage de Tobe Hooper restera dans les mémoires comme son chef-d'oeuvre absolu. Un texas putrescent, sous un soleil de plomb, en crise économique. Une famille dégénérée et cannibale, une bande de jeunes décimée, et surtout la tronçonneuse d'un tueur aux évidents problèmes affectifs... Un film extrême qui pourtant en montre peu, et qui ne se départ jamais d'un certain sens du burlesque.
#3 : Suspiria (1977)
Après avoir livré en 1975 le giallo ultime (voir numéro 1), Dario Argento change de registre et s'aventure dans le conte macabre et fantastique, avec ce qui sera le premier volet de la trilogie dite des Trois Mères (suivront Inferno et, bien plus tard, La Troisième Mère). C'est l'histoire d'une jeune américaine (Jessica Harper, remarquée dans le Phantom of Paradise de Brian De Palma) qui arrive en Allemagne pour y suivre des cours de danse dans une fameuse académie où elle sera pensionnaire. Des meurtres mystérieux et surnaturels vont s'y dérouler.
C'est probablement le film qui déchaîne le plus la furie esthétique d'Argento, entre architectures impossibles et couleurs tranchées. Tout est fait pour emmener son héroïne et son spectateur dans un univers onirique, surplombé d'une présence maléfique. C'est un Alice au pays des merveilles cruel et macabre, qui n'exclue jamais un certain sens du merveilleux. Virtuose, grandiose.
#2 : Twin Peaks : Fire Walks With Me
Quelle drôle d'idée, le film Twin Peaks en deuxième d'une liste de films d'horreur. J'aurais pu y mettre Mullholand Drive ou Lost Highway, deux chefs-d'oeuvre de David Lynch. Mais j'ai une affection particulière pour le film qu'il tira de sa série, et qui en raconte le hors champ : les derniers jours de Laura Palmer. Il y a une évidente dimension cauchemardesque dans Twin Peaks, la série, et j'ai toujours pensé, avec certaines séquences mettant en scène Bob, que Lynch avait su mieux que quiconque mettre en scène ce que l'on ressent en pleine apnée du sommeil. Démonté par la critique et par les fans à sa sortie, progressivement réévalué, le film est pour moi l'expression de la veine la plus sombre, sans concession, de son auteur. Un trip sensoriel, comme toujours, mais aussi une tragédie déchirante et un véritable cauchemar dans lequel se perdre, et se perdre encore. Personnellement, j'y reviens souvent.
#1 : Les Frissons de l'Angoisse (1975)
Les Frissons de l'Angoisse ou Profondo Rosso en italien (qui est un bien meilleur titre, convenons-en), est probablement le film qui m'a le plus terrifié à la première vision. Dario Argento signe ici le giallo ultime, il en prend les codes les plus emblématiques pour les porter à un tel niveau esthétique qu'on a l'impression qu'il est en train de raconter un mythe. Les gants noir, la petite comptine angoissante qui annonce chaque meurtre, la silhouette en imper et chapeau, le couteau de boucher, une poupée terrifiante, un secret enfoui à révéler, le murmure de l'assassin derrière la porte, ou dans le noir derrière Daria Nicolodi... Tout y est, dans un catalogue à donner le vertige, mis en scène avec un certain goût du maniérisme et du fétichisme. Mais le liant est organique, il n'oublie pas ses personnages, et il sait raconter son histoire. Comment passer après ce chef-d'oeuvre ? Après ça tout semblera pâle copie ou redite. Il y a un vertige dans ce film, qui passe par l'art, vecteur de vérité. En témoigne la manière dont il choisit de nous révéler dès le début l'identité de l'assassin, qu'il serait bien évidemment criminel de révéler ici. Il vaut mieux éviter d'aller chercher des photos du film sur internet avant de le voir une première fois, la surprise est l'un des plaisirs du film. Voir un artiste du macabre au sommet de son art en est un autre.