Imaginez un facteur. Sa mission est d'apporter un plan dans un atelier, pour fabriquer une molécule qui permettra d'identifier les sinistres coronavirus.
Le facteur de la métaphore, c'est l'ARN messager. Le plan est tatoué sur son corps. Avant d'atteindre la cellule où se trouve l'atelier - les ribosomes où sont fabriquées les protéines nécessaires à la vie du corps humain -, il doit traverser un quartier dangereux où les ribonucléases, des enzymes, n'ont qu'une fonction, le dévorer. C'est pourquoi il ne s'y rend pas tout seul: ils sont des millions dans une dose de vaccin...
Quand l'un d'eux, protégé par une enveloppe de lipides, pénètre dans la cellule, il est identifié par son extrémité distinctive. Ses tatouages lui ont permis d'entrer mais il a mis en alerte le système immunitaire. Le plan, reconstitué à partir des tatouages, est alors affiché sur la cellule. À partir de ce portrait-robot des coronavirus, le système immunitaire lance à leurs trousses anticorps et lymphocytes T. Mission accomplie, l'ARN, fragile, est détruit par les ribonucléases.
L'ARN est découvert au début des années 1960. Mais ce n'est que bien plus tard, de 1990 à 2020, c'est-à-dire pendant une période de trente ans, que seront peu à peu comprises les étapes de l'incroyable scénario, que Fabrice Delaye décrit dans l'introduction de son livre sur La révolution de l'ARN messager. C'est à partir de là que seront élaborés les vaccins mis au point par Moderna et BioNTech, lequel est commercialisé par Pfizer.
Pour raconter cette aventure, l'auteur a interrogé nombre de ses protagonistes. Car il veut comprendre comment en dix mois a pu être élaboré un vaccin à ARN messager. En fait c'est l'aboutissement non pas de dix mois de recherche mais de trente ans. Dix mois, d'ailleurs, ont suffi à BioNTech parce que la mise au point du vaccin contre la Covid est plus facile que ceux sur lesquels l'entreprise travaille jusque-là:
Son objectif, c'est de guérir le cancer. Tous les cancers parce qu'ils sont tous différents et que pour être efficace, il faut pouvoir personnaliser les traitements pour chaque patient. Or, cela, l'ARN messager le permet. Qui plus est, à un coût qui ne ruine pas le système de santé parce que, comme dans le cas de vaccins, il s'agit avant tout d'apprendre au corps à se guérir lui-même.
C'est pourquoi il s'agit de la première étape d'une véritable révolution médicale. Les ARN messagers pourraient servir à de nouvelles thérapies, à condition toutefois de résoudre les problèmes occasionnés par des doses nécessairement plus importantes que pour des vaccins. Cela suppose de longs essais cliniques. La Covid aura au moins eu ce mérite d'accélérer la recherche dans ce domaine:
Les protéines font à peu près tout dans notre corps. [...] D'une certaine manière, les protéines, c'est nous! Pouvoir les produire à la demande ou corriger celles qui sont défectueuses avec des ARN ouvre un champ thérapeutique sans limite.
L'auteur est très enthousiaste. Pour ce qui concerne la science, il a raison de l'être. Pour ce qui concerne la médecine, il faut doucher quelque peu son enthousiasme. Car un vaccin à ARN messager n'est pas la panacée, ni la baguette magique qui permet d'éradiquer la Covid. Sans doute parce qu'un vaccin, par définition, est un traitement général, qui n'est pas personnalisé et qui ne réussit pas à tout le monde. D'ailleurs sa protection pour soi-même et pour autrui est bien moindre qu'annoncée...
Les journalistes serves, ou incultes, ou inconscients, vantent les vaccins à ARN messager, sans les discuter, sans faire preuve d'esprit critique. Ils ne veulent pas voir leurs effets indésirables qui sont publiés en France par l'ANSM et en Europe sur la base de données EudraVigilance. Certes ces organismes, par précaution, se refusent à voir avec certitude un lien de causalité entre les injections et de tels effets. Mais cette incertitude même devrait inciter à la prudence.
C'est pourquoi l'obligation vaccinale, qu'elle soit inscrite dans la loi ou qu'elle soit obtenue indirectement par la contrainte du pass sanitaire, ou du certificat covid, qui est exigé politiquement pour se livrer à toutes sortes d'activités, est illégitime et immorale. Un vaccin ne devrait pas être administré sans que le médecin de famille et son patient n'en aient débattu au préalable, autrement dit sans que ce traitement n'ait été personnalisé. Et ce n'est pas à un médecin de vaccinodrome, qui ne connaît pas le candidat à l'injection, qui peut la cautionner en quelques minutes.
Francis Richard
La révolution de l'ARN messager, Fabrice Delaye, 208 pages, Odile Jacob
Publication commune avec lesobservateurs.ch