Covid-19 : 5 millions de décès dans le monde et la 5e vague en France ?

Publié le 29 octobre 2021 par Sylvainrakotoarison

" Vous savez, quand on a perdu la personne qu'on aimait le plus au monde, on la perd tous les jours. " (Valérie Perrin, "Les oubliés du dimanche", éd. Albin Michel, 2015).

Cela fait vingt-deux mois que sévit la pandémie de covid-19 dans le monde, et ce vendredi 29 octobre 2021, le seuil des 5 millions de décès officiellement déclarés par les autorités sanitaires de tous les pays du monde, vient d'être tristement franchi. C'est un décompte officiel, mais l'OMS a déjà estimé qu'il fallait plutôt compter sur le double ou le triple, en particulier avec des décomptes erronés au début de la pandémie en Russie et en Inde, et avec une fiabilité assez incertaine des données en Chine. Le nombre de décès aux États-Unis, l'un des pays les plus touchés au monde, a dépassé il y a quelques semaines le nombre de victimes américaines de la "grippe espagnole" (mal nommée car elle est venue du Mexique, ce sont les Espagnols qui en ont parlé les premiers) : plus de 760 000 décès aux États-Unis et plus de 600 000 décès au Brésil.

La différence entre les deux pandémies ("grippe espagnole" et covid-19) est que les pouvoirs publics de tous les pays aujourd'hui ont plus de considération pour la vie humaine que ceux du sortir de la Première Guerre mondiale. Déjà pour la "grippe espagnole", il y a eu des obligations de porter un masque (il y a même eu aux États-Unis la création de ligues pour s'y opposer, ce qui montre qu'il n'y a jamais rien de vraiment nouveau dans le comportement humain). Mais jamais l'économie mondiale n'a été arrêtée aussi longtemps qu'en 2020-2021 en raison d'une pandémie, et sans ces confinements nationaux généralisés, le nombre de victimes aurait changé d'ordre de grandeur (des études avaient été faites pour la première vague à ce sujet).

Les comptages officiels prennent principalement les décès du covid-19 à l'hôpital. Il est rare de prendre en compte, comme en France, les décès dans les structures médicalisées de type EHPAD, et encore moins de compter ceux qui sont décédés du covid-19 en dehors de toute structure de santé (à domicile, par exemple). En France, on s'approche hélas des 120 000 décès, ce qui est, encore hélas, pas exceptionnellement haut si l'on compare avec la population (seule l'Allemagne, qui avait été un peu épargnée pendant la première vague, comme toute l'Europe de l'Est, a des données à peine meilleure, s'approchant des 100 000 victimes).
L'année 2021 est différente de la précédente grâce aux campagnes de vaccination massive que tous les pays du monde ont engagées, plus ou moins avec efficacité et rapidité. Je parle de la campagne de vaccination et pas du vaccin. Certains veulent voir l'inefficacité de la vaccination en comparant la mortalité du covid-19 en 2020 et en 2021. C'est oublier que les victimes se déterminent par les vagues successives, et donc, qu'il faut corréler avec le nombre de cas détectés (du moins à partir de la deuxième vague, puisque pendant la première vague, on n'avait pas encore assez de tests de dépistage).
En clair, il y a eu beaucoup plus de décès du covid-19 en 2021 qu'en 2020 parce que l'épidémie a été beaucoup plus mortelle, en particulier à cause du variant alpha. La décision du Président Emmanuel Macron, probablement la principale critique valable à faire dans la gestion sanitaire, a été de ne pas reconfiner entre janvier et mars 2021, ce qui a maintenu le nombre de décès à l'équivalent d'un crash d'avion par jour (200 à 400 décès par jour), pour finalement reconfiner en avril 2021. En revanche, on soignait déjà mieux les malades graves que pendant la première vague.
De plus, au début, la campagne de vaccination n'a pas été à un rythme très rapide et c'est seulement à partir de mai 2021 qu'une part importante de la population a commencé à être protégée. Ainsi, la vaccination a eu peu d'effet sur la troisième vague. En revanche, durant la quatrième vague, non négligeable si l'on en juge par les taux d'incidence, nous sommes montés jusqu'à un rythme de 30 000 nouveaux cas par jour, mais elle a pu être limitée tant dans ses conséquences sur les malades (moins de décès par nombre de cas détectés) que dans l'amplitude de cette vague (on s'attendait à atteindre 120 000 nouveaux cas par jour en août-septembre 2021), et au contraire, elle a été limitée dans le temps (et en amplitude).
Mais la baisse de l'épidémie est désormais un vieux souvenir en France. Depuis maintenant près d'un mois, l'épidémie revient à la hausse, avec un rythme d'environ +10% à +20% par semaine. La remontée est lente, mais la montée de septembre 2020 était également lente. Sur les plateaux de télévision il y a encore deux semaines, on voyait des supposés informateurs (journalistes) qui s'étonnaient de la hausse des nouveaux cas et de la poursuite de la descente des hospitalisations, des entrées en réanimation et des nouveaux décès.
Comment peut-être encore s'étonner, au bout de presque deux ans de pandémie, du décalage de deux semaines entre dépistage et hospitalisation (développement d'une forme grave) et plusieurs semaines en cas de décès ? Hélas, depuis une semaine, ces données hospitalières sont en train de remonter. Ce qui était prévisible depuis la fin du mois de septembre 2021. On n'était pas descendu à moins de 1 000 patients en réanimation, ni à 6 000 personnes hospitalisées pour covid-19, et ces deux paramètres (que le gouvernement regarde "comme le lait sur le feu", a assuré Gabriel Attal le 27 octobre 2021) sont en train de remonter sérieusement. Il faut donc hélas le répéter : l'épidémiologie n'est pas une science prédictive sur du long terme, mais à l'échelle de quelques semaines, les effets sont "mécaniques" et donc prévisibles. En France, le taux d'incidence était descendu autour de 47 nouveaux cas par 100 000 habitants en une semaine, et depuis une semaine, il a refranchi le seuil de 50.
La question est donc double : le taux de couverture vaccinale (plus élevé qu'il y a deux à trois mois) aura-t-il un effet bénéfique sur la santé des personnes ? et sur la vague elle-même ? La remontée épidémique était prévisible dans la mesure où ce phénomène avait déjà été constaté en mi-octobre 2020. La saisonnalité du virus est à considérer avec prudence puisqu'en période chaude, le virus a aussi beaucoup tué. Il faut probablement chercher dans le changement de comportements des personnes lorsqu'il commence à faire froid : on se réunit plus à l'intérieur qu'à l'extérieur, et comme il y a eu un évident relâchement (très humain, on ne le reprochera à personne) dans le port du masque et le nettoyage au gel hydroalcoolique (allez à l'entrée des hypermarchés pour vous en rendre compte), le virus continue ainsi à circuler. D'autant plus qu'il y a encore trop de personnes non-vaccinées pour freiner cette circulation.
Pour certains infectiologues, ce qu'on constate en France ne serait pas une cinquième vague mais un rebond de la quatrième vague. En tout cas, cela reste du même variant, le variant delta. Qu'importe le numéro de la vague et qu'importe le variant en cause, le fait est qu'il y a une remontée épidémique, qui survient plus tardivement que l'an dernier et il s'agit qu'elle ne prenne pas l'ampleur de celle de l'an dernier.
Parallèlement à ce qu'on observe en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas (taux de couverture vaccinale assez élevé, de l'ordre de 75% de la population totale voire plus, et remontée lente), différemment de ce qui se passe au Royaume-Uni, très spécifique (suppression totale des gestes barrières, port du masque, etc. et forte circulation du virus), il y a aussi un phénomène déjà observé en octobre et novembre 2020 et qui est très inquiétant aujourd'hui : une nouvelle flambée de l'épidémie en Europe de l'Est qui est très durement touchée depuis une quinzaine de jours.
Et il y a un lien entre cette remontée épidémique, et ses conséquences sur le nombre de décès dus au covid-19, et la faible couverture vaccinale de ces pays. Première touchée, la Russie a un rythme de 1 100 décès par jour, et un faible taux de couverture vaccinale (36,2% au 23 octobre 2021). Le 26 octobre 2021, Vladimir Poutine a exhorté les Russes à aller se faire vacciner en urgence. Il a pris des mesures de confinement très rigoureuses, par exemple, toutes les personnes vulnérables non-vaccinées resteront confinées pendant quatre mois. Même en prenant par rapport à la population, la catastrophe russe reste terrible : sur les sept derniers jours, il y a eu 52 décès par million d'habitants en Russie, à comparer avec 3 décès par million d'habitants en France au même moment, quinze fois moins.

La situation les pays européens voisins de la Russie est tout aussi catastrophique. La Roumanie (avec seulement 31,5% d'habitants vaccinés au 17 octobre 2021) est dans un rythme de 400 à 450 décès par jour (154 décès par million d'habitants ces sept derniers jours). La Bulgarie (20,4% d'habitants vaccinés au 3 octobre 2021), c'est 125 décès par jour (127 décès par million d'habitants ces sept derniers jours). En Ukraine (21,1% d'habitants vaccinés au 27 octobre 2021), ce n'est guère plus optimiste avec un rythme de 550 décès par jour (87 décès par million d'habitants ces sept derniers jours). Même en Moldavie (20,5% d'habitants vaccinés au 3 octobre 2021), c'est 40 décès par jour (soit 68 décès par million d'habitants ce sept derniers jours). La Pologne (53,3% d'habitants vaccinés au 27 octobre 2021) a aussi une forte remontée épidémique en nombre de cas détectés mais, grâce à une meilleure couverture vaccinale que ses voisins, elle limite le nombre de décès (environ 60 décès par jour, 11 décès par million d'habitants les sept derniers jours). Quant aux données épidémiologiques officielles de la Biélorussie, elles ne semblent pas fiables.
En France, toutes les études montrent clairement que ceux qui se retrouvent à l'hôpital pour le covid-19 ne sont pour la plupart pas vaccinés et il reste suffisamment de personnes non-vaccinées parmi les personnes vulnérables (autour de 600 000 personnes) pour que les conséquences désastreuses puissent continuer à sévir en grand nombre (en réanimation et en décès).
L'autre préoccupation est sur la durée de la protection du vaccin et les observations faites dans des pays qui ont vacciné plus rapidement que la France montrent la nécessité d'une dose de rappel (ou troisième dose pour la plupart) à se faire injecter six mois après la deuxième dose, afin de renforcer la protection immunitaire qui empêche la contamination. Le principe d'un rappel pour un vaccin est non seulement ordinaire mais très fréquent et on le retrouve même chez les animaux de compagnie. Israël a réussi ainsi à limiter les dégâts d'une forte remontée épidémique cet été grâce à cette troisième dose. C'est tout l'enjeu du Premier Ministre britannique Boris Johnson dont la troisième dose est la seule mesure sanitaire pour contenir les presque 50 000 nouveaux cas de covid-19 par jour (actuellement, près de dix fois la France). Le "pari" de "miser" exclusivement sur un redémarrage économique et d'oublier le covid-19 ainsi que les gestes barrières ne semble pas vraiment pertinent ni respectueuse de la vie des Britanniques, avec aujourd'hui près de 150 décès par jour (15 décès par million d'habitants ces sept derniers jours, cinq fois plus que la France), ce qui rejoint le "plateau" très lourd de janvier-mars 2021 observé en France.
Malgré tous ces chiffres effroyables de victimes, il faut garder l'optimisme grâce à l'efficacité des vaccins. La cinquième vague sera peut-être plus forte en France que la quatrième (cet été) mais ne sera pas aussi mortelle que les précédentes. Le nombre de victimes sera directement proportionnel à la couverture vaccinale et au taux de rappel (troisième dose) chez les populations vulnérables.
Ceux qui n'ont pas encore osé se faire vacciner doivent savoir que le vaccin est sans danger alors que le coronavirus tue pour 1% à 2% des personnes atteintes et engendre pour 10% à 15% des personnes atteintes un covid long, à savoir, une incapacité, même chez les personnes jeunes et sportives, à retrouver une forme physique même six mois ou un an après le début de l'infection.
C'est d'ailleurs une députée LREM atteinte de covid long qui a réussi à faire reconnaître cette maladie. Patricia Mirallès, députée de l'Hérault, auteure d'une proposition de résolution déposée le 21 janvier 2021 à la Présidence de l'Assemblée Nationale (n°3792) pour reconnaître le covid long et en assurer la prise en charge, a même été menacée de mort par arme à feu le 14 juillet 2021 : " Moi, j'ai failli mourir, j'ai un covid long : oui, j'ai fait des posts pour inciter les gens à se faire vacciner. J'ai une responsabilité, ils ne me feront pas taire ! (...) Sur ce qu'on nous injecte, il n'y a pas de secret, la meilleure personne à qui demander, c'est son médecin traitant. " (France 3). À l'époque déjà (15 juillet 2021), elle voulait relativiser le mouvement anti-passe sanitaire : " Il y avait hier 20 000 manifestants en France contre 3 milliards de personnes vaccinées dans le monde. (...) Regardons simplement les rives de la Méditerranée. En Tunisie, ils pleurent de ne pas avoir de vaccin, ils ne savent plus comment faire. Les anti-vaccins n'ont pas d'argument. ".
Ceux qui ne se sentent pas concernés par cette pandémie et qui ne sont pas encore vaccinés le seront nécessairement à moyen ou long terme : comme il sera impossible d'éradiquer ce virus partout dans le monde, on le rencontra nécessairement un jour ou l'autre, d'une manière ou d'une autre. Pourvu que dans ce cas-là, si c'est vous, que vous soyez vaccinés. Surtout si vous faites partie des personnes à risque. On doit effectivement mourir de quelque chose un jour, mais c'est ce que disent aussi stupidement les fumeurs, les alcooliques, les chauffards et bien d'autres personnes qui parfois risquent leur santé ou leur vie pour bien peu de chose, un ego mal placé souvent et le besoin incontinent de se distinguer, de se dire éclairé, de se dire "pas mouton", de se dire (stupidement) " résistant" (celui qui veut résister au coronavirus, il n'y a pas à tergiverser, il se vaccine !). Et tant qu'à mourir, autant que ce soit le plus tard possible ( de mort lente disait l'autre) et demandez aussi à vos proches ce qu'ils en pensent...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Covid-19 : 5 millions de décès dans le monde et la 5e vague en France ?
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