Tout bouge et se transforme. Ovide a raconté ces Métamorphoses dans un long poème, dont la forme même est toujours en mouvement. Condamné à l’exil, Ovide écrit que tout change et qu’apparaissent ainsi des « corps nouveaux ». Corps nouveaux, c’est le titre de l’exposition au Centre d’art contemporain La Traverse à Alfortville (commissaire : Marguerite Pilven) : plus de 40 oeuvres, une vingtaine d’artistes, de quoi faire tourner la tête.
Les corps sont nés avant. Comme dans le poème d’Ovide, les transformations ont eu lieu depuis des millénaires et nous n’y étions pas et n’en avons qu’une vision partielle, dans un temps restreint. La mythologie s’en nourrit : Saturne mange ses enfants, les serpents croisent le chemin de Tirésias, le voyant aveugle tantôt homme tantôt femme, Écho n’est plus qu’une oreille parmi les cailloux et une voix invisible, Léda est séduite par un cygne, les arbres sont des femmes, la Louve élève des enfants qui construiront la ville, le Golem porte au front les lettres qui le font vivre (3 lettres) ou mourir (2 lettres).
Les artistes utilisent des matériaux qu’ils détournent de leur usage premier : plumes, lumière, coquilles d’huîtres, stridulation d’insectes, souffle du vent, et même écriture. Le lait de la Louve inaugure un cycle ; le visage aux lèvres rouges répété évoque celui de la lune. Ce visage me fait penser à l’inconnue de la Seine, jeune noyée anonyme dont le masque mortuaire réalisé à l’initiative du médecin légiste devint objet d’ornement populaire et hanta les surréalistes et de nombreux écrivains et artistes.
« Le visage humain n’a pas encore trouvé sa face », a écrit Antonin Artaud (Le Visage humain). Et Alberto Giacometti : « Les têtes, les personnages, ne sont que mouvement continuel du dedans, du dehors, ils se refont sans arrêt, ils n’ont pas une vraie consistance » (Carnets et feuillets).
Cette exposition, très différente de celles que j’ai pu voir dans ce Centre, renouvelle mon approche du lieu.