Combats et metamorphoses d'une femme

d'Edouard Louis

Roman biographique - 120 pages

Editions Seuil - avril 2021

Eddy Bellegueule a grandi dans une famille défavorisée du Nord de la France, entre un père inactif et alcoolique, violent et humiliant, et une mère dévouée et assignée à son rôle au foyer. Sa mère, il l'a vue les élever, lui et ses frères et sœurs, avec le peu de moyens qu'elle avait, il l'a vue souffrir et regretter, elle lui a fait honte, mais il a compris son envie de liberté.

Edouard Louis raconte son enfance et son évolution vers l'âge adulte depuis plusieurs romans parus. Au cours de sa vie, il a été traversé par des sentiments et des ressentis différents à l'égard de ses parents, de sa mère en particulier. Cette femme sans rayonnement, cantonnée au foyer, se plaignant de la morosité quotidienne, sans cesse rabaissée par le père, il l'a vue toujours ainsi. Et quand de rares fois elle se met à rire ou à vouloir chanter à tue-tête, c'est comme un dysfonctionnement familial et social qu'il faut étouffer, une gêne qu'on ne veut pas voir. 

Edouard grandit, change son état civil, étudie à Paris au milieu des bourgeois, vit son homosexualité auparavant si souvent raillée. Sa maison d'avant, sa mère et son père, sont à présent des proches dont il tient à s'éloigner. Du milieu social ouvrier, il se tourne vers le métier d'écrivain. 

Extrait :

"La pauvreté s'impose toujours avec un manuel de conduite, que personne n'a besoin d'édicter pour le connaître : personne ne me l'avait dit, mais je savais qu'il ne fallait pas raconter aux autres dans le village ces excursions à l'association d'aide alimentaire. Je n'en parlais pas non plus avec mes parents , on y allait, on prenait la nourriture, et on revenait sans jamais en dire quelque chose, comme si ça n'avait jamais existé."

Ecrire c'est aussi revivre, décrypter les évènements de son propre passé à la lumière de ses apprentissages et des mots eux-mêmes. C'est ce qu'il fait, comme une voie vers l'apaisement, la redécouverte de sa mère, qu'à présent libéré d'une assignation sociale douloureuse et taiseuse, honteuse in-ambitieuse, il voit avec les yeux d'un égal. Sa mère, cette femme qu'il peut à présent admirer et comprendre, soutenir et approuver, celle qui, à quarante cinq ans, a trouvé la force de changer de vie, de quitter le père, de déménager, de s'accorder un verre à la terrasse d'un café. Enfin, cette femme c'est son miroir, son double, c'est lui, il valide implicitement une filiation.

J'ai aimé lire ce texte simple, faits de souvenirs, de dialogues directs en s'adressant à elle, avec honnêteté. J'ai été surprise d'y voir des photos, très personnelles photos de famille, mais peut-être là comme un hommage sans complexe.