Coup sur coup, deux jeunes pousses positionnées sur ce créneau annoncent des levées de fonds, en phase d'amorçage. Spice AI, fondée par des anciens de GitHub et Microsoft, et Mage, élaborée à partir d'un outil « low-code » originellement conçu pour AirBnB, s'engagent dans des approches légèrement différentes mais portent toutes deux l'ambition d'autoriser l'introduction d'éléments d'intelligence artificielle dans les applications classiques, sans requérir l'acquisition préalable d'une nouvelle expertise.
Pour la première, qui distribue ses briques techniques sous licence libre, l'objectif consiste à offrir des composants prêts à l'emploi de traitement de séries de données temporelles, afin de produire les modèles requis, simplement et collaborativement (donc aussi avec des experts, le cas échéant). Ceux-ci sont ensuite encapsulés dans une coquille générique, déployable sur tout type d'infrastructure (infonuagique ou non) et permettant d'exploiter leurs capacités par l'invocation d'une interface (API) standard.
Pour la seconde, il est plutôt question d'une plate-forme de science des données accessible à des non spécialistes. Une assistance opérationnelle est donc fournie en continu afin de mettre en œuvre les outils d'analyse embarqués (issus du marché ou internes), y compris dans les phases d'entraînement, qui restituent une estimation de la performance et aident ainsi à sélectionner la ou les solutions les plus pertinentes, jusqu'à leur insertion finale dans l'application cible, là encore par l'intermédiaire d'API.
L'enjeu est de la plus haute importance. En effet, aujourd'hui, l'IA est généralement abordée comme une discipline indépendante, dont les artefacts sont utilisés en tant que tel ou, au mieux, ajoutés dans des outils sans être réellement intégrés à leur fonctionnement intime. Or la valeur qu'elle promet de délivrer pourrait être décuplée en immergeant ses services au cœur des interactions gérées par les logiciels du quotidien, pour exécuter, par exemple, la prochaine action probable ou le conseil prodigué.
La principale difficulté de ce genre de scénario tient à l'isolation qui s'est établie entre deux catégories de population, les développeurs et les scientifiques des données. Mais il ne s'agit pas seulement d'un silotage organisationnel, leurs méthodes de travail sont également divergentes. En particulier, les premiers n'ont pas la préoccupation qu'ont les seconds, dans la plupart des cas, de suivre la qualité des modèles déployés, les ré-entraîner et les mettre à jour régulièrement, parfois directement en production.
Les nouvelles offres telles que celles de Spice AI et Mage cherchent à résoudre ce problème en éliminant la barrière initiale de l'inclusion de modules d'IA dans les applications « normales ». Elles devraient déclencher une infusion d'intelligence dans les applications de tous les jours. Il restera cependant à faire appréhender aux développeurs auxquels elles s'adressent les contraintes particulières de l'IA dans leurs cycles de projet. À défaut, ils pourraient s'exposer, à terme, à de graves déconvenues.