Selon le Tantra, l'absolu n'est pas statique. Il n'est pas une conscience "pure", immobile, face au monde changeant. On ne peut le réduire à tel ou tel état "non-duel" ou autre. L'absolu est liberté, capable de se diviser, de s'unifier, d'embrasser tout et d'aller infiniment au-delà. Il est la vie. Qui peut dire les limites de la vie ?
L'absolu, l'essence de nous et de tout, est mouvement, liberté : vibration. Quand ce mouvement ralenti, les choses et l'inertie, l'inconscience apparente, prennent le dessus. Quand la vibration s'intensifie, le "je suis" éclot et le corps apparaît en toute sa gloire comme la Roue des énergies.
Un maître l'a dit :
bho bhagavati suśroṇi!viśrāntaparamānandamayadhāmaśaktitrayagatānavaratasaṅkocavikāsarūpatrikonaparispandanarūpametad hṛdayaṃ bhairavātmano bhairavasya
ātmabhūtāyāstadavibhāgavatyāḥ śrīparādevyāḥ tattvaṃ bhavati |
"Ô bienheureuse, femme aux belles hanches ! ce Cœur est vibration, triangle qui se contracte et se dilate sans cesse, royaume des trois énergies, débordant de l'ultime béatitude apaisée. Il est l'âme de Dieu, de la Déesse suprême, de la bienheureuse qui est son âme et inséparable de lui. Ce Cœur est donc l'Être réel." (Paratrîshikâlaghuvritti, 9)Le Cœur est l'âme de tout, de même que le cœur est l'âme du corps. Il est un point et un triangle, une unité et une triade, vibrante, en contraction et dilatation ininterrompue. Le Cœur vibre, pulse, bat, comme n'importe quel cœur. Ainsi, l'absolu n'est pas absolument simple : il est vibration, mouvement à double pôle, relation. Il est réconciliation de l'unité et de la dualité et de tous les opposés. Cette réconciliation est paix (vishrânti) et joie (ânanda), repos dans l'action, aventure en pleine sécurité et émerveillement sans épuisement.
La pratique de la Déesse Suprême (parâdevî) est l'expression de cette certitude.
Ainsi, il n'est pas possible de s'arrêter à un seul état, si sublime soit-il. Même Ramana Maharshi a découvert l'état naturel (sahaja), état d'absorption compatible avec l'activité des sens. Saha, "avec": il y avait donc bien dualité ; "ja" : il y avait donc bien naissance et nature et mouvement. Il avait beau proclamer que le monde est absent dans son expérience, il a du finir par admettre qu'il était bien présent, mais autrement.