Ce qui devait arriver arriva : Trump décide de prendre le taureau des réseaux sociaux par les cornes (et de le retourner à son profit ?) en développant sa propre plateforme sociale sur laquelle il espère bien attirer le maximum de célébrités et « d’influenceurs »…
Le constat qui a poussé le précédent président américain à créer ainsi un concurrent direct des réseaux existants est résumé par une phrase simple, proférée par Trump lui-même : « Nous vivons dans un monde où les Taliban ont une énorme présence sur Twitter, alors que votre président américain favori a été réduit au silence. » Et si l’on peut arguer des raisons qui ont poussé Facebook ou Twitter à bannir le 45ème président américain, il n’en reste pas moins qu’effectivement, ce dernier n’a plus le droit de s’exprimer officiellement sur ces plateformes.
Partant de là, ce n’était qu’une question de temps avant que ce qui a toujours été un homme d’affaire très médiatique n’entreprenne de résoudre son problème d’une façon tonitruante. Le voilà donc lancé dans la mise en place d’un nouveau réseau concurrent, dont le nom serait « Truth Social » et qu’il espère lancer le mois prochain. Le financement ne devrait pas poser de problème au vu du succès de la levée de fonds, effectuée au travers d’une société spécialisée (SPAC) et qui a déclenché une véritable ruée de petits investisseurs pariant sur le succès de l’ex-président américain.
Officiellement, la plateforme sociale entend « se dresser contre la tyrannie de Big Tech » (selon les propres termes de Trump) ce qui pourrait se traduire de différentes façons ; on devra se contenter de juger sur pièce une fois la plateforme lancée et accessible.
Indépendamment du but affiché ou réel que cette plateforme se sera fixé, on doit se réjouir de cette nouvelle : l’arrivée d’une nouvelle plateforme apparaît en effet fort nécessaire dans le paysage médiatique et cyber-social actuel, notamment car il en va clairement de la pluralité réelle de l’expression des opinions sur internet.
Force est de constater que les réseaux sociaux font actuellement tout pour éliminer ce qui ne fait pas partie de l’opinion qu’ils entendent mettre en avant, qu’on appelle ça « politiquement correct » ou autre chose : les fameux « standards de la communauté » (sur Facebook ou Twitter) sont en effet un paravent pratique (et jamais clairement édicté) permettant d’éliminer tout échange, toute information ou opinion qui contrevient à la ligne éditoriale choisie par les équipes de ces plateformes, quoi qu’on puisse penser de cette ligne.
Du reste, il est bon de rappeler que l’élimination des opinions et des informations jugées incorrectes de ces plateformes est un droit dont disposent entièrement les propriétaires de ces outils informatiques : après tout, l’utilisateur qui ne paye pas (et est donc le réel produit de ces plateformes qui revendent les données à d’autres) n’a pas de droit spécifique de se plaindre de l’éventuel biais et des interdictions ou bannissements ainsi introduits. On sait donc que tous les réseaux sociaux chercheront à policer au maximum l’expérience de leurs utilisateurs, dans un sens qui n’a pas été choisi par ce dernier mais par les algorithmes de ces plateformes, eux-mêmes dessinés et paramétrés par des humains aux idéologies et aux opinions bien spécifiques.
Malgré tout, on pourra goûter à l’ironie du sort puisqu’au final, même les biais, pourtant algorithmiquement imposés, ne parviennent pas à camoufler une certaine réalité : malgré ses filtres et ses orientations politiques, Twitter semble ainsi « pencher à droite » (on pourra pouffer de cette « révélation »)…
Ici, on ne pourra s’empêcher de noter que ce sont des entreprises extérieures qui classent les éléments (tweets, informations politiques, politiciens, …) comme « de droite » ou « de gauche », ce qui rend déjà l’objectivité de ce classement débattable, mais surtout, l’idée ne semble pas effleurer Twitter (ou le rédacteur de l’article lié) que les individus sont maintenant majoritairement « à droite » ou, plus probablement, qu’on considère de plus en plus de choses comme à droite ce qui aurait été considéré comme de centre ou à gauche il y a encore quelques années, ceci tendant à prouver un biais un peu trop clairement à gauche des médias et de ceux qui, justement, établissent les critères et les jugements.
Autrement dit, malgré des algorithmes clairement en faveur de certaines thèses, malgré la suppression active (ou « cancel culture ») appliquée sur un nombre croissant d’intervenants de ces plateformes, l’analyse elle-même biaisée montre que les utilisateurs sont finalement bien moins à gauche que ces algorithmes et les politiques de suppression ne tentent de le faire croire.
Dans ce contexte, l’arrivée d’une nouvelle plateforme permettra de mesurer l’écart réel à la réalité : avec des algorithmes différents, des biais différents et, qui sait, une suppression d’intervenants différents, peut-être aura-t-on une image à peu près fidèle en agglomérant les données de Facebook, de Twitter et du futur « Truth Social » ?
Une autre raison de se réjouir de l’arrivée d’une nouvelle plateforme est l’aspect particulièrement étouffant des restrictions maintenant en vigueur sur les plateformes existantes qui ont, de fait, bien besoin d’une solide concurrence pour ramener un peu de bon sens dans leurs suppressions et interdictions de contenu souvent arbitraires (ou pour le dire moins gentiment, carrément idiotes).
Certains sujets sont en effet devenus impossibles à aborder, quelques mots suffisant à déclencher de l’urticaire des utilisateurs et des algorithmes :
Pire : certains contenus parfaitement licites, culturellement indispensables deviennent inaccessibles sur ces plateformes. C’est le cas des peintures présentes dans les musées de Vienne, dont certains présentant des nus célèbres, qui sont régulièrement bannis à tel point que ces musées ont été obligés d’ouvrir une page OnlyFans…
On le comprend : oui, Trump va avoir « son » réseau et à tout bien y réfléchir, c’est tant mieux.
Ou bien il choisit la voie que les autres réseaux sociaux ont choisi, qui consiste à peser lourdement sur ce qu’on veut voir publié, quitte à obtenir un réseau social penchant nettement vers la droite conservatrice par exemple dans ce cas là. Dans cette hypothèse, ce sera le pendant des réseaux existants, et pourra être vu comme un simple rééquilibrage du paysage cyber-social global. Si l’on est vraiment ouvert à la liberté d’expression et qu’on souhaite vraiment le développement et l’argumentation de toutes les idées, rien que ceci est déjà souhaitable.
Mais Trump et son équipe peuvent aussi choisir au contraire de laisser ce réseau trouver sa propre orientation, en garantissant un ton et une liberté d’expression réelle, solide et totale. Là encore, ce serait une excellente chose qui permettrait peut-être à ce réseau de devenir une référence en la matière sur internet.
Enfin n’oublions pas qu’un médium, quel qu’il soit, reste un point de défaillance unique pour le producteur d’information qui ne peut pas tout miser sur ce genre de passerelles de diffusion. C’est une des raisons qui amènent à aider la concurrence de ces réseaux entre eux et, surtout, favoriser les médiums de diffusion non centralisés qui garantissent une véritable liberté d’expression.
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