En 1988, paraît le deuxième tome de S·O·S Bonheur par Griffo et Van Hamme. La première histoire de ce volume magistral nous conte l’aventure de Joachim Robin-Dulieu, chef de cabinet à la Sécurité publique, créateur de la C.U., carte universelle qui remplace toutes les autres cartes, y compris celles de paiement. Jusqu’au jour où un hacker quelconque décide de supprimer le dit Joachim de la banque de données centrale. Instantanément, Joachim Robin-Dulieu n’existe plus.
Cette histoire m’a profondément marqué à l’époque : nous n’existons donc que parce qu’une carte dit qui nous sommes. C’est le principe même de toutes les cartes que nous avons : carte d’identité, permis de conduire, cartes de banque, etc. Il suffit de perdre une de ces cartes (ou toutes) pour ne plus exister… ou découvrir le parcours du combattant existentiel.
Ce n’est pas mon cas et j’avoue que je fais une confiance quasi absolue à ces cartes. Sans trop y réfléchir, je me disais néanmoins que l’idéal serait de pouvoir supprimer le support physique « carte » alors qu’il y a bien d’autres moyens d’être reconnu pour qui l’on est : nos yeux uniques, nos empreintes digitales uniques, la forme de notre visage unique, etc. Les moyens existent pour utiliser ces éléments. Lorsque je voyageais souvent en avion (il y a 6 ou 7 ans), j’ai dû plus d’une fois présenter ma tête face à une machine pour laisser la machine décider si elle ouvrait ou non la porte automatique… Bref, je me disais : « Mais pourquoi s’encombrer de cartes puisqu’on peut être reconnu autrement, sans craindre le fait de perdre sa carte ? ».
Vous imaginez : vous allez au resto ou faites vos courses, la machine vous identifie dès le départ, vous consommez et vous vous en allez l’âme en paix en attendant que votre compte soit débité ! Plus de risque de perdre sa carte, de l’avoir oubliée ou encore de se l’être fait voler ! Pas même besoin d’une puce implantée corporellement pour exister et être reconnu en tant que tel !
Je m’apprêtais à écrire mon billet (désormais mensuel) en ce sens lorsque j’ai lu ce matin l’article La reconnaissance faciale s’étend de plus en plus en Europe. Et j’ai commencé (ou plutôt continué) à me poser des questions. Certes, les technologies existent dès maintenant et cela faciliterait méchamment la vie. La question centrale est que tout cela serait rassemblé dans un super grand fichier « central » et qu’on ne sait jamais ce qui serait fait de toutes ces données. Que ce soit pour des raisons commerciales, policières, sécuritaires, vénales… ou tout simplement pour le bon plaisir d’un fou qui déciderait d’en faire n’importe quoi.
Au bout du compte, une seule certitude : oui, j’existe. Je le sais, je le sens. Mais comment le prouver ? Comment être reconnu pour le citoyen que je suis, sans qu’on me piste ou me contrôle ? Comment circuler librement là où je veux aller, travailler là où je veux être utile, aimer là où je m’épanouis… sans m’encombrer de tous ces papiers qui ne sont jamais que des papiers ?