Vigneronne

Publié le 19 octobre 2021 par Lorraine De Chezlo
de Laure GasparottoRécit biographique - 210 pagesEditions Grasset - avril 2021Journaliste parisienne, habituée des reportages et des articles sur des domaines viticoles, divorcée, décide un jour de devenir elle-même vigneronne. Elle met son dévolu sur le sud de la France et acquiert des vignes en appellation Terrasses du Larzac après avoir réussi à rassembler de nombreuses personnes, et pas des moindres, autour d'elle pour financer son rêve. La voilà lancée, à consacrer les semaines sans ses enfants à charge à son nouveau projet, pour une vie de viticultrice qui donnera quatre millésimes de 2014 à 2017.Oui, ça peut sembler d'un côté un rêve de gosse qu'on réalise, et de l'autre un caprice de bobo sans lien avec ses capacités. Tant pis, elle assume, et elle reste toujours journaliste à mi-temps, enchaînant les aller-retours hebdomadaires entre Paris et Lodève. Elle veut y croire, et beaucoup d'énergie a été mise à contribution. Il y a sa motivation et il y a son entourage, des personnes du milieu également, ou des personnes d'influence, comme Jean-Pierre Coffe dont elle regrettera la franchise lorsqu'il disparut. Et malgré tout cela, ça n'aura pas suffi...Extrait :"Tout a commencé, officiellement, avec les genêts en fleur. Après avoir passé un hiver à mijoter, c’est en même temps que ces arbustes aux multiples boutons jaunes et au parfum entêtant que notre projet a éclos. On n’arrive pas un beau jour de printemps chez le notaire sans avoir préparé le terrain. Au mois de mars 2014, me voici en direction de Lodève, assise comme une enfant, sur le siège arrière d’une 104. Comme je peux, je dissimule aux deux personnes qui se trouvent à l’avant l’émotion qui me gagne, mais les larmes jaillissent. Tel un ruisseau qui déborde, elles chauffent mes joues. Je cache mon visage, en faisant semblant d’être absorbée par le paysage qui défile. Je me sens effroyablement seule face au choix que j’ai fait, qui devient concret. J’ai l’impression d’être parvenue au bord d’un précipice, après y avoir couru tout droit. L’idée, le rêve, les discussions, les échanges, c’est fini. Tout ça se transforme en du vrai, du solide, du matériel. Tout à l’heure, je serai propriétaire de vignes qui auront besoin de moi. C’est comme si j’adoptais un enfant : il faudra les nourrir, les conduire, les bichonner. En suis-je capable ? Qu’est-ce qui me prend tout à coup ?"Il m'aura manqué un peu de style littéraire, j'ai trouvé que justement ce côté de rapport journalistique pouvait ôter un peu de charme au récit. Et puis, il faut reconnaître qu'elle est dans les faits, qu'elle s'applique à rapporter avec précisions les obstacles auxquels elle se heurte, les détails techniques qui n'en sont pas, un quotidien inscrit dans un domaine d'activité très normé. Mais au final, il y a la vente, et on ne sait pas si elle a été fructueuse et permis de rembourser peut-être les emprunts amicaux, et ceux qui ont pris des parts.C'est un récit qui résonne alors que la période de confinement a suscité chez de nombreux citadins l'envie de se consacrer à des métiers de sens et d'extérieur. L'auteure livre son histoire et lève le voile sur les difficultés et les succès, et met en relief les périodes de grande solitude malgré le fait qu'elle ait été plutôt bien entourée et accompagnée. Un témoignage intéressant.Dur d'être vigneronne parisienne - Les5duVinEntretien avec Laure Gasparotto, journaliste au Monde - VinSurVin