La Serbie reste le volcan des Balkans

Publié le 01 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

Rodovan Karadzic (Open Democracy/FlickR)

(Sélection RELATIO  sur EUROPE, mon beau souci)

L'arrestation de Radovan Karadjic, de sinistre mémoire, deux semaines après l'investiture du nouveau gouvernement pro-européen à Belgrade, n'est certainement pas le fruit du hasard.

La signification  de cette arrestation est double:

1. D'une part, après treize ans de cavale de l'un des deux criminels de guerre les plus recherchés en Europe (avec son acolyte Radko Mladic, ancien chef militaire des Serbes de Bosnie), elle donne rétrospectivement raison à la Procureure du Tribunal Pénal International de l'Ex-Yougoslavie, à savoir que l'intéressé a bénéficié de complicités pour se cacher, et surtout qu'il était protégé par l'inertie du gouvernement serbe nationaliste en place jusqu'aux élections de juin 2008.

2. D'autre part, l'évènement traduit la détermination et le courage du nouveau Président Boris Tadic qui avait nettement fait campagne voici quelques mois pour la démocratie et pour l'Europe, avec pour slogan: "Pour une Serbie Européenne"

Il faut en effet parler de courage s'agissant de Boris Tadic et du nouveau gouvernement serbe !

Certes, le chef des services secrets, considéré comme lié aux milieux troubles nationalistes et mafieux, vient d'être remercié, et l'on peut penser que le nouveau gouvernement du Premier ministre Cvetkovic et du Président Tadic a maintenant la main sur les forces de l'ordre et les services de renseignements. De plus, les dernières élections ont montré qu'une majorité de l'opinion publique se tournait vers l'Europe et donc la démocratie. Enfin, les socialistes de l'ancien parti de Milosevic se sont ralliés à la coalition, occupent des postes ministériels importants et semblent avoir la volonté de tourner la page de l'ère de l'ancien tyran.
Mais la situation est fragile. La Serbie est le volcan des Balkans.

1. Le nationaliste serbe n'a pas baissé la garde comme en témoignent les sondages ainsi que les manifestations de protestation contre l'arrestation de Karadjic.

Je m'étais rendue compte de l'existence de ce nationalisme exacérbé en mars 2003, lors des funérailles nationales de l'ancien Premier ministre Zoran Djindjic à Belgrade où je représentais la France. Tué par des snipers le 12 mars alors qu'il rentrait dans le bâtiment du gouvernement, Djindjic avait cinquante ans. Il avait exercé le pouvoir d'une manière exemplaire de 2001 à 2003, et après avoir échappé miraculeusement à plusieurs attentats, était mort sous des balles tirés en plein coeur. Il fut ensuite prouvé que les auteurs n'étaient autres que des responsables des services secrets proches de Milosevic, se vengeant de l'arrestation de leur champion. Ces services avaient pour mission de protéger le Premier ministre et ils l'avaient tué!  Djinjic se savait menacé, mais il avait fait face en étant conscient des risques qu'il prenait.

Aujourd'hui, le Procureur de Serbie enquête sur les menaces à l'encontre de Tadic accusé de trahison par les nationalistes. Ces menaces doivent être prises au sérieux, et nous devons nous Européens aider l'Etat serbe à les écarter.

2. L'autre élément inquiétant est l'incapacité des Serbes d'intégrer véritablement l'indépendance du Kosovo déclarée sans aucune autorisation des Nations Unies, et fort imprudemment à mon avis. C'est vrai, les habitants du Kosovo sont à 90% d'origine albanaise. Mais est-il raisonnable de construire de nos jours des Etats sur des bases ethniques? La question Kosovar divise les Européens, dont vingt ont reconnu l'indépendance du nouveau pays de quelque deux millions d'âmes, tandis que les sept autres ont refusé de le faire.

Le nouveau gouvernement serbe, tout pro Européen qu'il soit, sera-t-il en mesure de renoncer à porter plainte devant la Cour internationale de Justice de l'ONU pour faire juger comme illégale l'indépendance du Kosovo, ainsi que la Serbie l'a annoncé dès mars 2008? Et comment va se comporter la Russie qui est la seule puissance internationale à ne pas avoir applaudi à l'arrestation de Karadjic et qui a marqué son désaccord en ce qui concerne l'indépendance du Kosovo?

L'Union européenne joue sa crédibilité. Il lui faut absolument empêcher le volcan serbe de se réactiver! Il ne suffira pas de reconnaître la candidature officielle de la Serbie à l'accession à l'Union. Il faut aussi aider les dirigeants courageux du pays à consolider ses institutions, à conforter son économie et à lutter contre les forces contraires aux intérêts du peuple serbe.

La partie n'est gagnée ni pour les Serbes, ni pour l'Europe elle-même dont la politique étrangère et de voisinage doit pour une fois montrer sa cohérence et son efficacité. L'horizon de la Serbie est clairement européen, mais il y a encore du chemin et ce chemin ne doit pas être semé d'embûches

Noëlle LENOIR

Ce texte a été publié le 27  juillet sur le blog de l'Express de Noëlle Lenoir

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par Noëlle Lenoir