1
J’ai grandi parmi
mille souffles d’ombre
mais je ne peux l’oublier
*
I grew in a thousand
breaths of shadow
but I didn’t forget
*
Sono cresciuto tra mille
soffi di ombre
ma non lo posso dimenticare
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13
Bleu rocailleux au nord
et stupéfiants rêves de glace,
queue d’un effroyable hiver
*
Rocky blue in the north
and astonishing ice-dreams
tail of worried winter
*
Roccioso blu a nord
e stupefacenti soggni di ghiaccio
coda di un inverno pauroso
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72
Mini-anémomètres mystiques
une très fine brise les coquelicots révèlent
mon moi fragile révèlent
*
A subtlest breeze the poppies reveal,
mystic mini-anemometers
my eventual self reveal
*
Una sottilissima breza rivelano I papaveri,
mistici mini-anenometri
il mio fragile io rivelano
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87
Bienfaits – inimaginables – du sommeil,
sommeil profond comme les couleurs de l’herbe –
tout obtiendra une immense abondance
*
Benefits of sleep – unthinkable –
sleep thick as the colors of the grass –
everything will gain immense wealth
*
Vantaggi del sonno – inimmaginabili –
sonne denso com i colori dell’erba -
tutto guadagnerà immensa ricchezza
Andrea Zanzotto, Haïkus pour une saison / Haiku for a Season / Haiku per una stagione, traduction et notes de Philippe Di Meo, suivi de Sur les haïkus par Andrea Zanzotto, L’alchimiste du mot par Marzio Breda et Filer la brume par Philippe Di Meo, éditions La Barque, 2021, 128 p., 21€
Haïkus pour une saison, Haiku for a Season / Haiku per una stagione, ultime ouvrage d’Andrea Zanzotto, parut en premier aux États-Unis en 2012 avant de paraître en Italie en 2019.
D’abord rédigés en anglais par Zanzotto, puis traduits en italien par ses soins, ces quatre-vingt-onze haïkus sont, comme l’écrit magnifiquement Marzio Breda dans son texte intitulé L’Alchimiste du mot, ‘autant de vers qui affleurent depuis cette lointaine parenthèse de souffrance, rédigés en les entendant résonner comme une plainte de son esprit, parmi le bruissement des feuilles et l’écho de ses pas, lors de ses promenades avec quelques amis par les bois sauvages des alentours du Piave, lorsqu’on pouvait l’écouter tandis qu’il murmurait de petits poèmes à un auditoire d’herbettes et de fleurs.’
‘Il suffit de penser, écrit-il aussi, à l’attention que Zanzotto a toujours accordée à ce qu’il appelait ‘‘le nuage phonique de la poésie’’, dont il tirait des indications comme un rhabdomancien qui perçoit une veine d’eau sous des mètres et des mètres de roche.’
Trois textes accompagnent cet ouvrage : à commencer par celui d’Andrea Zanzotto lui-même, précisément intitulé ‘Sur les haïkus’ ; suivi de celui de Marzio Breda cité plus haut : ‘L’Alchimiste du mot’ ; et enfin celui du traducteur, Philippe Di Meo : ‘Filer la brume’, mise en perspective de ce recueil avec l’ensemble de l’œuvre du poète de Vénétie. (site de l’éditeur)