Fin de règne à Cincinnati

Crédit photo : Abdou W/FlickR

On le présentait, l'inéluctable est en passe de se produire: Roger Federer est déjà un roi déchu et Rafael Nadal n'a plus qu'à tendre la raquette pour s'emparer du sceptre.
Passation de pouvoir

Le tournoi de Cincinnati offrait à Nadal l'occasion de doubler enfin Federer au classement technique de l'ATP. Il y avait deux conditions: que Federer ne dépasse pas le troisieme tour et que Nadal parvienne en demi-finale. La première partie du programme est d'ores et deja remplie: Federer s'est incliné pour la premiere fois face à Karlovic, en perdant deux tie-breaks. On voit mal Nadal laisser passer l'occasion.
Cette passation de pouvoir n'est que la régularisation sur le papier d'une situation de fait acquise depuis quelques temps. Seule la force d'inertie du classement ATP permettait à Federer de maintenir une faible avance sur Nadal (6605 pts contre 6305).
En revanche au classement de la Race, qui ne prend en compte que les résultats dans les tournois depuis le 1er janvier, Nadal écrase la concurrence: il compte 1055 pts, devanant largement Federer et Djokovic qui culmine à moins de 800 pts. On ne parle pas des figurants qui complètent le tableau! Cette domination n'est pas due a l'accumulation de performances dans une foule de tournois secondaires: Nadal n'a dispute qu'un tournoi de plus que Federer, mais il a surtout gagne deux tournois du Grand Chelem (Roland Garros et Wimbledon) contre aucun pour son plus proche rival.

Meutre dans un jardin anglais
Nadal revendique le trône, tandis que Federer semble avoir abdiqué devant son dauphin. Lors de la première defaite à Roland Garros, l'impression était mitigée: un champion de la terre battue venait de naître, mais Roger Federer avait aussi prouve qu'il pouvait viser le titre dans le seul tournoi qui manquait à son actif. La répétition des échecs, toujours en finale, toujours contre le même homme, a fini par désesperer le Suisse: il a vu progressivement s'envoler l'espoir de remporter les quatre titres du Grand Chelem. Pire, Nadal est venu le contester jusqu'a Wimbledon. Le meurtre dans son jardin anglais a été commis cette année; le donjon venait de tomber. Sur quelle surface pouvait desormais se refugier Federer; Nadal serait partout, prêt à l'assomer de ses frappes de bucheron.

La situation peut-elle s'inverser ?

Peut-on voir refleurir le jeu de Federer ? La belle mécanique suisse donne des signes inquietants; il y a du déreglement dans l'air; ou plutôt c'est le ressort qui a du mou. Federer ne trouve pas de solutions pour contrer Nadal, il lache progressivement prise. Et puis il y a les statistiques et l'histoire du tennis masculin: tour à tour ont regne Connors, Borg, Mc Enroe, Lendl, Sampras, avec des interregnes assurés par Wilander, Edberg, Agassi, Kuerten, Hewitt etc., mais un seul a reussi a reconquerir sa couronne apres l'avoir perdue: Lendl en 1989. La situation de Federer rappelle plus précisement celles de Mc Enroe et Sampras: ils n'arrivaient pas a s'imposer à Roland Garros. La comparaison avec Mc Enroe peut être poussée plus loin: celui-ci atteignit la finale à Paris et fut battu par un Lendl qui remportait la son premier titre majeur. Le metronome tcheque pilonnait ses adversaires jusqu'à l'ecoeurement. Jamais Mc Enroe ne put reprendre le dessus.
L'ogre Nadal
Federer revait d'égaler les records de Sampras, en particulier les 14 titres de Grand Chelem. Apres les trois échecs de cette année, l'objectif devient plus difficile a atteindre. Reste que Roger Federer à justement les moyens, comme Sampras, de remporter des titres majeurs, meme après avoir abandonné sa permiere place. Sampras ne s'était-il pas encore imposé à l'US Open en 2002, plus de trois ans après avoir abandonné la première place? Encore faudrait-il que l'ogre Nadal n'ait pas entrepris de tout dévorer, Grand Chelem et records d'invincibilite en tous genres...