L'eurodéputée estonienne Marianne Mikko a remis récemment à la Commission Culture du Parlement un rapport sur l'indépendance des médias qui n'a pas réchauffé le coeur des blogueurs, bien au contraire. Parmi les propositions, il est de bonnes idées comme l'apprentissage à l'école des enjeux et usages d'Internet ou encore financer la recherche de solutions techniques innovantes pour identifier les contenus à risques. Là où la pilule ne passe pas, c'est la labellisation des blogueurs et des blogs.
Ce que Mme Mikko met en avant, c'est le fait que les lobbies de tous poils aient commencé à investir la blogosphère, et qu'il est difficile de savoir à qui on a affaire.
Son travers de départ est de considérer qu'un blog est un média comme un autre, qui donc ne devrait pas pouvoir s'affranchir de certaines règles. Je laisse de côté la question des droits d'auteur et m'attarde sur ses autres motivations.
Elle souhaite donc que ce label impose au blogueur de :
· dire qui il est : particulier, journaliste, personnalité, politicien(ne)...
· d'annoncer de quoi il parle : recettes de cuisine, vacances au Portugal, pensées profondes, blagues de potache, essais littéraires...
· donner un droit de réponse à ceux qu'il critique ou remet en cause
Cette demande n'est pas recevable car impossible à mettre en oeuvre, elle remet de plus en cause les fondements de la blogosphère telle qu'elle existe aujourd'hui. De nombreux blogs sont anonymes, comme celui-ci, et j'expliquais dans un précédent billet que l'identité figée est au mieux une illusion, au pire un mensonge par omission. Je tiens à mon anonymat, je ne raconte pas ma vie, je ne fais qu'exposer mes remarques, mes étonnements, mes idées, mes humeurs. Il n'y a aucune raison pour que je demande l'autorisation pour le faire. J'aborde les sujets que je veux, et si demain j'ai envie de parler de thèmes jamais abordés ailleurs, je n'ai pas envie de devoir alerter un quelconque label. Quant au droit de réponse, qui est typiquement une obligation de média, il est vrai que le blogueur fait ce qu'il veut, il peut à loisir supprimer les commentaires qui ne lui plaisent pas. Libre à lui au contraire d'engager la conversation avec son contradicteur comme ça m'est arrivé lors d'un précédent billet avec Cart'Com. On a le droit d'être de mauvaise foi, ou constructif, ou sourd et fermer tous les commentaires, comme dans la vraie vie en somme.
Internet est un espace de liberté et vouloir le réguler est difficile et dangereux pour l'émergence d'une intelligence collective, du partage de la connaissance et de tout l'écosystème qui en résulte. Pour ce qui est de la recherche de "transparence", l'angle n'est donc pas le bon car Internet n'a tout simplement... pas de frontière. Il suffira d'héberger son blog dans un pays qui n'est pas soumis à la loi. Les FAI et hébergeurs ont déjà suffisamment à faire avec la cybercriminalité classique, leur demander de filtrer le trafic comme on le lit chez Narvic rappellerait rapidement les uchronies de la surveillance permanente façon 1984 et ce n'est pas ça, l'Europe (enfin, il me semble).
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